Ne pas être qu'un "patient" ...

Témoignage : Ballade en montagne…

Article paru dans Le Parkin­so­nien Inde­pen­dant N°32 – mars 2008

Chaque lundi, Alain me propose des randon­nées en montagne avec un groupe d’amis. Parfois, il nous entraîne aux tech­niques de l’escalade avec baudrier et corde1. Il a toujours en esprit que je suis sujet au vertige depuis que je me soigne pour Parkinson.
Il me met en situa­tion de vaincre cette phobie du vide et de fait, lorsque je suis harna­ché et sécu­risé par la corde de rappel, cette appré­hen­sion dispa­raît : je peux profi­ter plei­ne­ment du paysage.

Pour­tant la semaine dernière, nous avons vécu une situa­tion un peu excep­tion­nelle que je voudrais vous rappor­ter pour dire à quel point l’esprit peut domi­ner les réac­tions physiques.

Nous devions rejoindre le sommet de la Sainte Victoire, célèbre montagne qui domine Aix en Provence, par une voie un peu périlleuse mais sans grosse diffi­culté. Pour­tant, il y a deux ans, au début de nos péré­gri­na­tions, j’avais callé dans cette voie à un passage un peu déli­cat : le pas de l’éléphant. Je le fran­chis sans m’en rendre compte malgré une petite appré­hen­sion imagi­naire. Je suivais avec bonheur le rythme de mes compa­gnons et nous arri­vâmes sur le plateau du sommet.

Pour redes­cendre, nous recher­châmes, alors, le passage connu d’Alain qui devait nous permettre de rejoindre aisé­ment la voiture. Manque de chance, les repères avaient été suppri­més ou nous les avions dépas­sés ; il décida alors de ne pas prolon­ger plus long­temps notre randon­née sur le plateau : il commen­çait à se faire un peu tard.

Il nous averti que nous allions prendre une voie raccour­cie mais qui présen­tait des diffi­cul­tés un peu parti­cu­lières : il serait obligé de nous assu­rer et nous deman­dait de respec­ter ferme­ment ses consignes. Il s’agissait du Grand Couloir.

Imagi­nez une entaille large d’à peine deux mètres dans une falaise de plus de 100 mètres d’à‑pic et d’où vous décou­vrez la plaine 700 mètres en dessous ! Et nous allions nous enga­ger, accro­chés à des chaînes sans voir où nous atterrissions…

Bonjour l’ambiance : je sentais l’angoisse monter. Elle risquait de me faire perdre tous mes moyens si je me lais­sais aller. Alain me demanda de le suivre de près et m’encorda pour m’assurer. Je me raison­nais alors ne voulant pas paraître renâ­cler devant l’obstacle ; et puis j’avais entiè­re­ment confiance dans mon guide.

Heureu­se­ment, parce que nous n’étions pas au bout de nos peines. Juste après deux chaînes d’une ving­taine de mètres, nous trou­vions un câble fixé en garde-​corps pour une traver­sée de la paroi en diago­nale, les pieds trou­vant tout juste la place de se glis­ser sur un léger redan domi­nant un à‑pic verti­gi­neux de 60 mètres lisse comme un mur !

Rassuré par les consignes d’Alain, j’effectuais tran­quille­ment cette traver­sée que je n’aurais jamais imagi­née faire. Mais le passage le plus déli­cat, pour moi, fût la suite où les embûches pour­tant n’étant pas aussi impor­tantes. Nous progres­sions sur un étroit sentier tout en corniche pour rejoindre un épau­le­ment rocheux d’où nous descen­drions alors sans problème et je ressen­tais alors la montée du vertige.

Pour­quoi cette appré­hen­sion ? J’y vois deux causes : tout d’abord le contre­coup de l’émotion causée par la tech­nique parti­cu­lière et les « peurs » rétros­pec­tives plus ou moins imagi­naires. Mais aussi et surtout, l’absence de points de récon­fort (chaîne et câble) matérialisés.

Cela me permet d’affirmer quelle pres­sion impor­tante peut être exer­cée par notre cerveau sur notre corps et nos atti­tudes. Notre imagi­naire a des pouvoirs que l’on ne conçoit pas toujours : il faut savoir le contrô­ler. D’ailleurs, dans la nuit qui suivit, je fis un rêve semi éveillé où je me voyais accro­ché à la paroi avec la peur de paniquer !

J’ai voulu racon­ter cette petite aven­ture non pas pour me vanter mais pour dire combien il nous est possible, en cas de coup dur, de réagir et domi­ner nos craintes et même nos diffi­cul­tés physiques.

Ce n’est pas en fuyant nos problèmes que nous les résol­vons, mais bien au contraire en s’y prépa­rant et en les affron­tant vigoureusement.

« La confiance dans le mouve­ment est égal à la compé­tence qu’on se recon­nait plus le plai­sir escompté moins le risque escompté »
(Didier Delignères)

Par Jean GRAVELEAU graveleau.jean2@wanadoo.fr

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