Les Médicaments De L’Avenir
Publié le 16 avril 2008 à 08:49Paru dans Le Parkinsonien Indépendant N°32 – mars 2008
d’après une interview de Catherine VINCENT
Paru dans « Le Monde.fr » du 1/12/07
Transmis par Henri MINARET
Daniel Cohen, professeur de génétique et président d’un groupe pharmaceutique, évoque les molécules qui permettront demain de soigner la plupart des maladies complexes. Selon lui, elles existent déjà.
Question : Cancers, hypertension, dépression, maladie d’Alzheimer ou de Parkinson, schizophrénie, sclérose en plaques, saurons-nous guérir ces maladies dans vingt ans ? Avec quel type de médicaments ?
Réponse : On commence à faire l’inventaire des gènes impliqués dans toutes ces affections complexes. On peut donc espérer, d’ici vingt ou trente ans, avoir mis au point une pharmacopée efficace pour les traiter. Mais ces médicaments ne seront sans doute rien d’autre … que ceux que nous connaissons déjà. Simplement, ils seront utilisés autrement. Comme la nature, on fera du neuf avec de l’ancien.
Question : Malgré les efforts de la Recherche pharmaceutique, le nombre de molécules nouvelles mises sur le marché diminue dramatiquement depuis une quinzaine d’année. Pourquoi ?
Réponse : Parce que la biologie se révèle bien plus complexe qu’on ne pensait.
Il y a trente ans, on croyait que de nombreuses pathologies étaient déclenchées par le mauvais fonctionnement d’un seul gène. On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien. Hormis les maladies à proprement parler héréditaires (dans lesquelles un seul gène est impliqué), qui sont très rares, les affections humaines les plus courantes ont une composante environnementale. De plus chacun des gènes susceptibles d’intervenir dans une maladie commande la fabrication non pas d’une seule protéine, mais de plusieurs. Et chacune de ces protéines n’a elle-même non pas une seule fonction, mais plusieurs !
Si l’on ajoute qu’une maladie résulte de l’effet combiné de centaines de protéines, on comprend qu’il est illusoire d’espérer trouver un unique principe actif capable de la soigner. De fait, sur 100 médicaments qui franchissent le stade des essais sur l’homme, trois seulement vont être mis sur le marché. Les autres se révèleront toxiques ou inefficaces. Peut-être parce que toutes les « bonnes » cibles sur lesquelles un médicament peut exercer un effet ont déjà été trouvées. Ce qui suggère que pour faire de nouveaux médicaments, il faut revenir aux anciens.
Question : Les recherches menées sur le génome humain n’ont donc pas tenu leurs promesses ?
Réponse : Si, mais il est encore trop tôt pour en recueillir les fruits. Pour étudier la composante génétique des maladies humaines, il suffit de la chercher là où elle se trouve : dans l’ADN. Grâce au séquençage du génome humain (dont le gros œuvre a été terminé aux alentours de l’an 2000), on peut désormais scanner très rapidement l’ensemble de nos gènes. De même il est devenu facile de « lire » dans ce génome, les endroits qui diffèrent entre vous et moi. Autrement dit de repérer, en comparant les génomes de sujets malades et de sujets sains, les 100, voire les 1000 gènes impliqués dans une pathologie.
Question : Mille gènes ?… Quelle stratégie thérapeutique peut-on imaginer face à une telle complexité ?
Réponse : De grands groupes pharmaceutiques sont en train d’adopter une nouvelle stratégie : celle du drug repositionning – c’est-à-dire l’extension d’indication des principes actifs déjà existants. Pourquoi ceux-ci donnent-ils de bons résultats, alors qu’on ne parvient pas à en fabriquer de nouveaux ? Tout simplement parce qu’une protéine cible d’un médicament peut intervenir dans plusieurs maladies différentes. Et c’est précisément ce constat qui permet d’entrevoir de nouvelles solutions.
… Cette stratégie a déjà donné quelques résultats qui permettent de confirmer que cette voie de recherche est prometteuse. Une expérimentation menée sur la maladie de Charcot-Marie Tooth, maladie neuro-musculaire invalidante qui implique 30 gènes a été évaluée à 30% de succès et a signifié qu’une quinzaine de médicaments déjà existants ont une action potentielle sur cette pathologie ; et la plupart ont également un effet sur les neuropathies plus communes que sont les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson.
Bien sûr, il ne s’agit que d’un début. Mais si l’on suit cette piste, on peut espérer, d’ici vingt ou trente ans, guérir la plupart des maladies avec quelques centaines de médicaments de base. Y compris, peut-être, avec ceux que la médecine chinoise utilise depuis des millénaires.
Question : Ce serait la fin de la rupture entre médecine occidentale et médecine traditionnelle ?
Réponse : Aujourd’hui encore, celle-ci se fonde sur de très vieilles molécules naturelles, dont l’efficacité est bien plus grande lorsqu’elles sont associées entre elles. Des sociétés chinoises exportent désormais ces mélanges en Occident, pour traiter l’hypertension, le cancer, l’attaque cérébra le, et des recherches très poussées sont menées pour déterminer quels sont les principes actifs à l’œuvre dans ces mélanges. Le temps est peut-être venu où nous devons douter de nos certitudes péremptoires et cesser de mépriser les médecines qui ne sont pas occidentales. Des médicaments qui sont toujours prescrits après cinq mille ans d’histoire ont forcément quelque chose à nous apprendre.
Revu par :
Jacqueline GÉFARD-LE BIDEAU
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