Ne pas être qu'un "patient" ...

Les Médicaments De L’Avenir

Paru dans Le Parkin­so­nien Indé­pen­dant N°32 – mars 2008
d’après une inter­view de Cathe­rine VINCENT
Paru dans « Le Monde.fr » du 1/​12/​07
Trans­mis par Henri MINARET

Daniel Cohen, profes­seur de géné­tique et président d’un groupe phar­ma­ceu­tique, évoque les molé­cules qui permet­tront demain de soigner la plupart des mala­dies complexes. Selon lui, elles existent déjà.

Ques­tion : Cancers, hyper­ten­sion, dépres­sion, mala­die d’Alzheimer ou de Parkin­son, schi­zo­phré­nie, sclé­rose en plaques, saurons-​nous guérir ces mala­dies dans vingt ans ? Avec quel type de médicaments ?
Réponse : On commence à faire l’inventaire des gènes impli­qués dans toutes ces affec­tions complexes. On peut donc espé­rer, d’ici vingt ou trente ans, avoir mis au point une phar­ma­co­pée effi­cace pour les trai­ter. Mais ces médi­ca­ments ne seront sans doute rien d’autre … que ceux que nous connais­sons déjà. Simple­ment, ils seront utili­sés autre­ment. Comme la nature, on fera du neuf avec de l’ancien.

Ques­tion : Malgré les efforts de la Recherche phar­ma­ceu­tique, le nombre de molé­cules nouvelles mises sur le marché dimi­nue drama­ti­que­ment depuis une quin­zaine d’année. Pourquoi ?
Réponse : Parce que la biolo­gie se révèle bien plus complexe qu’on ne pensait.

Il y a trente ans, on croyait que de nombreuses patho­lo­gies étaient déclen­chées par le mauvais fonc­tion­ne­ment d’un seul gène. On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien. Hormis les mala­dies à propre­ment parler héré­di­taires (dans lesquelles un seul gène est impli­qué), qui sont très rares, les affec­tions humaines les plus courantes ont une compo­sante envi­ron­ne­men­tale. De plus chacun des gènes suscep­tibles d’intervenir dans une mala­die commande la fabri­ca­tion non pas d’une seule protéine, mais de plusieurs. Et chacune de ces protéines n’a elle-​même non pas une seule fonc­tion, mais plusieurs !

Si l’on ajoute qu’une mala­die résulte de l’effet combiné de centaines de protéines, on comprend qu’il est illu­soire d’espérer trou­ver un unique prin­cipe actif capable de la soigner. De fait, sur 100 médi­ca­ments qui fran­chissent le stade des essais sur l’homme, trois seule­ment vont être mis sur le marché. Les autres se révè­le­ront toxiques ou inef­fi­caces. Peut-​être parce que toutes les « bonnes » cibles sur lesquelles un médi­ca­ment peut exer­cer un effet ont déjà été trou­vées. Ce qui suggère que pour faire de nouveaux médi­ca­ments, il faut reve­nir aux anciens.

Ques­tion : Les recherches menées sur le génome humain n’ont donc pas tenu leurs promesses ?
Réponse : Si, mais il est encore trop tôt pour en recueillir les fruits. Pour étudier la compo­sante géné­tique des mala­dies humaines, il suffit de la cher­cher là où elle se trouve : dans l’ADN. Grâce au séquen­çage du génome humain (dont le gros œuvre a été terminé aux alen­tours de l’an 2000), on peut désor­mais scan­ner très rapi­de­ment l’ensemble de nos gènes. De même il est devenu facile de « lire » dans ce génome, les endroits qui diffèrent entre vous et moi. Autre­ment dit de repé­rer, en compa­rant les génomes de sujets malades et de sujets sains, les 100, voire les 1000 gènes impli­qués dans une pathologie.

Ques­tion : Mille gènes ?… Quelle stra­té­gie théra­peu­tique peut-​on imagi­ner face à une telle complexité ?
Réponse : De grands groupes phar­ma­ceu­tiques sont en train d’adopter une nouvelle stra­té­gie : celle du drug repo­si­tion­ning – c’est-​à-​dire l’extension d’indication des prin­cipes actifs déjà exis­tants. Pour­quoi ceux-​ci donnent-​ils de bons résul­tats, alors qu’on ne parvient pas à en fabri­quer de nouveaux ? Tout simple­ment parce qu’une protéine cible d’un médi­ca­ment peut inter­ve­nir dans plusieurs mala­dies diffé­rentes. Et c’est préci­sé­ment ce constat qui permet d’entrevoir de nouvelles solutions.

… Cette stra­té­gie a déjà donné quelques résul­tats qui permettent de confir­mer que cette voie de recherche est promet­teuse. Une expé­ri­men­ta­tion menée sur la mala­die de Charcot-​Marie Tooth, mala­die neuro-​musculaire inva­li­dante qui implique 30 gènes a été évaluée à 30% de succès et a signi­fié qu’une quin­zaine de médi­ca­ments déjà exis­tants ont une action poten­tielle sur cette patho­lo­gie ; et la plupart ont égale­ment un effet sur les neuro­pa­thies plus communes que sont les mala­dies d’Alzheimer ou de Parkinson.

Bien sûr, il ne s’agit que d’un début. Mais si l’on suit cette piste, on peut espé­rer, d’ici vingt ou trente ans, guérir la plupart des mala­dies avec quelques centaines de médi­ca­ments de base. Y compris, peut-​être, avec ceux que la méde­cine chinoise utilise depuis des millénaires.

Ques­tion : Ce serait la fin de la rupture entre méde­cine occi­den­tale et méde­cine traditionnelle ?
Réponse : Aujourd’hui encore, celle-​ci se fonde sur de très vieilles molé­cules natu­relles, dont l’efficacité est bien plus grande lorsqu’elles sont asso­ciées entre elles. Des socié­tés chinoises exportent désor­mais ces mélanges en Occi­dent, pour trai­ter l’hypertension, le cancer, l’attaque céré­bra le, et des recherches très pous­sées sont menées pour déter­mi­ner quels sont les prin­cipes actifs à l’œuvre dans ces mélanges. Le temps est peut-​être venu où nous devons douter de nos certi­tudes péremp­toires et cesser de mépri­ser les méde­cines qui ne sont pas occi­den­tales. Des médi­ca­ments qui sont toujours pres­crits après cinq mille ans d’histoire ont forcé­ment quelque chose à nous apprendre.

Revu par :
Jacque­line GÉFARD-​LE BIDEAU

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