Conférence du 21 avril 2001
Publié le 17 septembre 2001 à 07:04paru dans Le Parkinsonien Indépendant n° 5 — Juin 2001
Animée par le professeur N’GUYEN de CRETEIL et
M. Philippe BRACHET directeur de l’INSERM U 437 de NANTES
Cette conférence a été organisée par l’Association Départementale des Parkinsoniens de Loire Atlantique (A.D.P.L.A.) dans le cadre de la journée mondiale de la lutte contre la maladie de Parkinson du 11 avril. Elle a accueilli, à la Manufacture des Tabacs à Nantes, plus de deux cents personnes venues de dix départements de l’Ouest.
Après une courte présentation du thème de la conférence par la présidente de l’association, Le professeur N’GUYEN présente l’état de ses recherches.
Actuellement, les traitements chimiques agissent pour pallier le déficit dopaminergique. Des traitements chirurgicaux permettent, en cas de nécessité, de compléter le dispositif : Il s’agit des stimulations thalamiques, sous-thalamiques et pallidales. Cela consiste à implanter des électrodes au niveau du cerveau pour réguler l’action des centres impliqués dans la modulation des mouvements.
Ces techniques cependant ne donnent pas toute satisfaction même si les mouvements sont mieux contrôlés et de toutes les façons ne traitent pas l’origine des troubles.
C’est pourquoi, il y a une dizaine d’années, il a été envisagé de s’attaquer à la source du mal : la perte des cellules dopaminergiques en procédant à la greffe striatale de neurones dopaminergiques.
Il a été préféré d’intervenir au niveau du Striatum parce que le Locus Niger, lieu exact où ces neurones sont présents, est trop profond et trop petit pour être facilement atteint.
Les cellules adultes ayant des prolongements beaucoup trop longs, il serait difficile de les extraire sans rompre leurs prolongements et risquer de les détruire. Les greffes sont donc constituées de cellules d’embryons de 8 à 10 semaines, âge à partir duquel les cellules nerveuses se différencient des autres neurones embryonnaire.
Depuis 1987, trois équipes dans le monde travaillent sur les mêmes protocoles ce qui permet de comparer les résultats. Il s’agit de l’équipe de LUND en Suède, de l’équipe de Créteil en France et de l’équipe de Chicago aux U.S.A.
La technique consiste d’abord à prélever les cellules sur les embryons et les préparer dans une suspension la plus pure possible susceptible d’être injectée dans un délai de 6 à 48 heures. Il faut de 1 à 3 embryons par greffe unilatérale. C’est le travail d’une première équipe.
Une deuxième équipe accompagne le chirurgien qui va procéder aux injections sous trois trajectoires différentes pour atteindre au mieux la zone considérée : le Striatum. Le travail est réalisé sous stéréotaxie (guidage des instruments dans les trois dimensions de l’espace), la zone ayant été repérée par I.R.M.. Avec une aiguille de 0,7 m /m, 3 fois 1 micro litres sont injectés dans 8 sites séparés d’un m/ m chacun. Il s’agit d’une opération très précise réglée avec des moyens mécaniques.
Une amélioration clinique est constatée dans les mois qui suivent et les PET-SCAN (tomographie par émission de positons) confirment que les neurones implantés s’intègrent et se développent. Ainsi l’équipe LINDVALL et COL de Suède a constaté une amélioration dans les 4 premiers mois puis un plateau et une amélioration continue jusqu’à 3 ans : en effet, les connexions continuent à se développer.
L’équipe KORDOWER De Chicago a alors expérimenté avec intérêt la greffe bilatérale avec les neurones de 3 et de 4 embryons, ce qu’elle a pu vérifier grâce à l’autopsie d’un malade greffé et décédé des suites d’un accident.
Pour Créteil, l’équipe s’est constituée en 1989 et la première opération s’est déroulée en 1991. Les protocoles sont les mêmes : les interventions concernent des malades déclarés depuis plus de 5 ans, sensibles à L DOPA et ne présentant pas de troubles psychologiques. Ils ont moins de 70 ans et sont testés avant et après l’intervention.
Le bilan établi en 1997 concernait 20 patients : 18 sans complications, 2 avec des phénomènes dyskinésiques. :
— Le traitement unilatéral améliorait les performances de 37,3 % et diminuait la prise de L DOPA de 28,5 %
— La greffe bilatérale augmente nettement les performances : de l’ordre de 90%.
— L’utilisation de trois embryons permettait de passer à 54 % d’amélioration et entre 40 et 60 % de réduction de prise de L DOPA
Sur la période de 91 à 99, neuf patients, d’un âge moyen de 56 ans, ont été traités en bilatéral : 6 avec deux fois trois embryons ; 3 avec deux fois un embryon. Il est significatif de constater la réduction rapide de prise de L DOPA de 35 % alors que l’amélioration continue à se développer au fur et à mesure du développement de la greffe par le développement des connexions.
Aujourd’hui, il est convenu de pratiquer de manière bilatérale avec 3 embryons de chaque côté soit 6 embryons pour un malade traité.
Ce qu’il est possible de dire en 2001 :
— La technique est fiable
— On constate une bonne intégration de la greffe.
— Les résultats sont indiscutables et durables.
— La greffe peut donner des résultats aussi performants que la stimulation.
Les greffes sont plus efficaces sur des sujets jeunes de moins de 60 ans. Il y a très peu de rejet si elles sont accompagnées d’un traitement immunosuppresseur anti-rejet.
Questions des participants :
Doit-on cesser le traitement à la L DOPA ?
NON. La greffe est un dernier recours lorsque les médicaments ne font plus les effets escomptés. Elle est proposée en alternative à la stimulation neuronale.
Peut-on faire suivre une stimulation d’une greffe ?
Oui, cela est tout à fait possible comme inversement faire suivre une greffe d’une stimulation ; ce sont deux techniques qui ne s’opposent pas.
La greffe améliore-t-elle les tremblements ?
Elle n’est pas indiquée en cas de forts tremblements. En effet, ceux-ci ne sont traités qu’avec de haute dose de L DOPA et il est plus indiqué d’agir par une stimulation.
A‑t-on remarqué des développements anarchiques des cellules greffées ?
Les cellules greffées ne se reproduisent pas. Ce sont les connexions qui se développent et l’on n’a pas constaté de développement anarchique de ces connexions. Les cellules réagissent comme si elles remplaçaient les cellules manquantes et copiaient les relations pré existantes.
Quelle limite à ces expériences ?
Essentiellement le nombre de cellules disponibles. En effet, nous avons vu qu’il était nécessaire, pour un bon résultat, de greffer les neurones de deux fois trois embryons humains. Il est donc clair qu’il y a risque de « trafic » d’embryons et d’une « commercialisation » si la greffe devenait une pratique courante, ce qui n’est pas le cas de notre travail actuel vu le nombre très restreint de nos interventions.
Quelles sont les perspectives futures ?
Deux domaines de recherche soulèvent des espoirs certains : l’utilisation de fœtus de porc et l’étude des « cellules souches ». Sur le premier point, des équipes américaines ont déjà procédé à des expériences sur l’homme mais avec des résultats plutôt négatifs à ce jour. Pierre BRACHET va intervenir pour évoquer ce domaine de la recherche.
Quant aux « cellules souches », nous ne sommes qu’au tout début de la recherche puisqu’elles ne viennent qu’être découverte il y a peu de temps.
Sur quels critères retenez-vous les malades ?
Il doit s’agir de malades de Parkinson « vrais » que la L DOPA améliore nettement. Cela ne peut être déterminé que par l’examen clinique. En effet, il n’y a pas d’examens biologiques fiables y compris le PETSCAN pour affirmer une maladie de Parkinson idiopathique.
Il faut s’appuyer sur un patient convaincu du bien-fondé de la greffe parce qu’il est indispensable de procéder ensuite à une analyse régulière et très précise de l’évolution de sa maladie. Il faut également s’adresser à un sujet jeune « biologiquement » pour être certain de voir se développer les connexions attendues.
Peut-on connaître le coût de cette opération ?
Elle est gratuite pour le malade s’il relève de la Sécurité Sociale puisqu’elle correspond au prix de journée d’hospitalisation. Le coût lui-même est peu élevé du fait qu’il correspond au temps du chirurgien et du biologiste impliqué dans l’opération.
Alors au-delà de 70 ans il n’y a plus d’espoir ?
Ce n’est pas ce que j’ai dit. En effet, j’opère en stimulation des personnes de plus de 80 ans(une même de 87 ans). Par contre, pour ce qui concerne les greffes, nous ne travaillons qu’en dessous de 60 ans.
Depuis combien de temps a‑t-on la maladie de Parkinson avant qu’elle ne soit annoncée ?
Habituellement quelques mois avant, un ou deux ans. Les premiers symptômes apparaissent quand le stock des neurones est inférieur à 50%, ce qui est le cas de tout le monde à 120 ans !
La douleur est-elle normale après 10 ans de maladies ?
Il est très fréquent de constater un inconfort et des douleurs accentuées pendant la nuit en particulier, des crispations et en conséquence des insomnies. La greffe comme la stimulation diminuent ces phénomènes.
La greffe supprime-t-elle la prise des médicaments ?
Pas autant qu’on le voudrait. Il y a une diminution d’environ 40% de la prise de médicaments.
Quelle suite opératoire ? Y a‑t-il réduction des activités ?
Le malade se comporte plutôt bien après l’opération et il n’y a pas de suites postopératoires. Au début il n’y pas de changement ; le malade doit prendre ses médicaments comme avant ; puis à partir du quatrième mois au constate des améliorations et le traitement doit être revu. Il n’y a pas de rééducation à prévoir.
Quel est l’avenir de ces techniques ? Quels sont les moyens nécessaires ?
Ce ne sont pas a priori les moyens financiers qui limitent le nombre d’interventions : progressivement la neurostimulation est intégrée dans les budgets des établissements. Il s’agit plutôt de bénéficier des équipes de chercheurs et de médecins en nombre suffisant.
Les progrès sont extrêmement rapides et il n’est pas possible de prévoir à dix ans les évolutions de la recherche dans ces domaines.
Il y a une différence entre la neurostimulation et la greffe.
En effet, la neurostimulation est palliative alors que la greffe est curative : elle soigne et remplace les neurones défaillant alors que la neurostimulation ne fait qu’agir sur les effets.
La greffe a‑t-elle d’autres utilisations possibles ?
Elle concerne avec beaucoup d’efficacité la Chorée de Huntington, maladie qui ne bénéficie actuellement d’aucun traitement médicamenteux. Elle concerne également les accidents vasculaires.
Y a‑t-il des délais d’attente comme la neurostimulation où l’on parle de plus de 11 mois ?
Il ne s’agit pas du tout du même esprit. En effet, nous sommes encore dans la situation expérimentale et il n’y a donc pas de délai d’attente si les conditions sont réunies pour une réalisation dans de bonnes conditions contrairement à la neurostimulation qui est en train de devenir une pratique normale et pour laquelle la demande est importante.
C’est ensuite au tour de Pierre BRACHET, docteur es sciences, d’intervenir pour présenter le travail de son équipe de recherche à l’INSERM U 437 de Nantes.
Il commence en présentant Benoît MELCHIOR qui avait en son temps accueilli le « Parkinsonien Indépendant » pour répondre à nos questions.
L’équipe qu’il dirige travaille sur les « xénogreffes », c’est à dire les greffes issues d’une origine étrangère au receveur de la greffe. Il s’agit de recherche pure sur les tissus fœtaux afin de vérifier les phénomènes de rejet et les moyens d’y remédier. Comme le professeur NGUYEN le signalait, son équipe est également en relation avec l’équipe suédoise de LUND.
L’étude chez le rat est facilitée parce que la géographie du cerveau est la même pour tous les animaux étudiés et il est donc facile d’y rechercher les zones étudiées. Par l’injection d’une toxine, on peut déclencher chez le rat l’équivalant de la maladie de Parkinson en détruisant les cellules dopaminergiques.
On va injecter des cellules d’embryons de porc chez un sujet « atteint » de la maladie de Parkinson et on va vérifier la durée de vie des cellules. Au bout de trois semaines, la greffe semble avoir pris ; puis le système immunitaire intervient pour détruire les cellules étrangères. Aujourd’hui la durée de vie des greffes est de l’ordre de 25 à 28 jours pour les cellules de rat étudiées à ce jour
Première piste de recherche :
La recherche se tourne vers le porc en tant que « donneur » pour l’homme du fait que les cellules sont très proches. Il existe, cependant des phénomènes de rejet bien que le cerveau soit pratiquement une zone immunologique. On recherche actuellement avec l’INRA à créer un porc « transgénique » dont les neurones produiraient une molécule à caractère immunosuppresseur leur permettant de survivre dans le cerveau humain. En quelque sorte, on recherche à « humaniser » le porc.
Deuxième piste de recherche :
L’autre piste de recherche concerne les facteurs de croissance des neurones : le NGF qui aide les neurones à se développer. En quelque sorte on va aider les neurones à survivre. Constatant l’absence du récepteur de ce facteur dans les cellules dopaminergiques, on va chercher à l’introduire à l’aide d’un virus inactivé qui sert de véhicule pour aller le porter dans les neurones dopaminergiques et ainsi accroître leur protection en les rendant sensibles au NGF.
Troisième piste de recherche :
Enfin, une autre piste concerne les cellules souches. On croyait les cellules nerveuses figées définitivement et ne pouvant plus évoluer. Or on a découvert récemment que les cellules olfactives ont la propriété de se renouveler au travers des cellules souches. Il s’agit de cellules, au départ indifférenciées, qui peuvent se renouveler pour remplacer les neurones manquant. Le travail consiste à les amener à se différencier et à se développer. Mais l’on ne sait pas encore réguler le processus ; elles se développent de manière anarchique.
Ainsi le neurochirurgien disposera de multiples cellules exactement adaptées au malade.
Sur ce dernier point, il souhaiterait l’engagement d’un chercheur auprès de l’INSERM pour prendre ce sujet d’étude.
Compte rendu résumé : Jean GRAVELEAU
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Bonjour !
Existe-t-il un remède pour traiter une maladie olfactive. Incapacable de sentir la fumée de cigarette, le désinfectant, odeur de « spray », etc.
Très incommodant ! Quel remède serait efficace ?
Mille fois MERCI
Monique Magnan
Commentaire by Monique Magnan — 14 avril 2007 #
Bonjour chère Madame,
Tout d’abord, je tiens à souligner combien cela me touche de savoir que nous sommes lus par nos cousins canadiens… Cela m’impose encore plus de rigueur dans la réalisation de ce modeste journal !
Nous sommes encore très loin de la « guérison » espérée par tout un chacun. Et les cellules souches qui avaient générées un espoir immense ne donnent pas toutes les satisfactions attendues… Cependant des recherches se poursuivent dans différents laboratoires en particulier sur les mécanismes déclencheurs qui permettent de différencier et faire se reproduire les cellules souches.
Mais il n’y a pas aujourd’hui de traitement spécifique issue de ces recherches.
La seule opération existante est la stimulation profonde ou neurostimulation (l’implantation d’une électrode au niveau du noyau gris dans le cerveau)… opération lourde mais qui donne des résultats plutôt bénéfique avec toutefois quelquefois des effets néfastes.
cette opération est relativement fréquente en France et plusieurs établissements hospitaliers la pratique avec succès.
Je ne sais si j’ai répondu complètement à votre demande. Mais croyez le bien, dès qu’une information plus exhaustive sur les possibilités de greffe, de découverte sur les cellules souches, ou tout autre pratique efficace et reconnue qui pourrait tendre à une « guérison » de cette maladie, venait à notre connaissance, nous nous empresserions de la diffuser !
bonne chance et bon courage : le moral est sûrement actuellement le remède le plus efficace pour accompagner les médicaments que nous ingurgitons.…!
Commentaire by Jean Graveleau — 26 mars 2007 #
J,aimerais savoir ou la science est rendu au niveau des cellellules souches et toutes les traitements possibles pour en arriver à une guérison.Je suis atteinte de cette maladie de parkinson et je souffre beaucoup . Je suis soigné ‘
à la clinique des troubles du mouvement à l’hôpital Hôtel Dieu de Montréal.J’aimerais avoir de vos nouvelles et je serais prête à me faire opéré . J’ai 57 ans et très souffrante.
Commentaire by louise st-germain — 20 mars 2007 #