Interview de Gérard G.
Publié le 16 janvier 2005 à 23:43paru dans Le Parkinsonien Indépendant n°19 — décembre 2004
Nous avons rencontré le 25 octobre 2004 Gérard G. neurostimulé en juin 2001 et qui a bien voulu nous dire comment il a vécu cette expérience et ce qu’il en retire aujourd’hui. Sa femme s’est jointe à notre entretien en fin d’interview.
Le rédacteur : Racontez moi comment vous en êtes arrivé à accepter cette opération somme toute très impressionnante, voire peut-être un peu risquée ?
Gérard : Ma maladie de Parkinson a été décelée tout au début 1993. Jusqu’au début 1998, j’ai pu exercer sans trop de difficulté mes activités professionnelles, des engagements multiples et vivre une vie sociale animée, grâce à un traitement judicieusement équilibré.
Puis brusquement, peut-être en même temps ou à cause de, qui sait, mes conditions de vie se sont littéralement effondrées, tant d’un point de vue professionnel que du point de vue de la maladie. Ma « lune de miel » était terminée : de plus en plus « bloqué » j’augmentais les doses de mon traitement ce qui me rendait alternativement euphorique quand il fonctionnait et me faisait faire des erreurs de jugement dans ma vie professionnelle. Un stress de plus en plus présent m’a conduit à l’écroulement général. En avril 2001, j’en étais rendu à 30 mg d’Apokinon, l’équivalant d’un stylo par jour, en sus de mon traitement de 45 mg de Réquip !
Coincé de partout y compris la bouche, des douleurs de plus en plus insupportables, l’opération de neurostimulation est devenue ma bouée de sauvetage : rien ni personne n’aurait pu m’arrêter dans cette orientation.
Le rédacteur : Dites nous comment se déroule les différentes phases de cette intervention.
Gérard : Et bien tout d’abord, il faut subir une batterie de tests de résistances physiques, des tests de mémoire et des tests psychologiques avec et sans traitement. Tout ceci afin de déterminer la capacité du malade à subir une opération malgré tout assez traumatisante et vérifier sa réelle motivation.
Mais je vous l’ai dit : j’étais extrêmement déterminé à aller jusqu’au bout. C’est un point essentiel pour la réussite de l’opération et j’insiste sur ce point : si vous n’êtes pas déterminé, alors ne vous lancez pas dans cette opération parce que les résultats risquent d’en se ressentir et de ne pas être à la hauteur de vos attentes.
L’opération commence par la pose de boulons dans le crâne qui serviront à installer le système stéréotaxique de visée et d’installation de l’électrode. Puis par des prises de vue I.R.M. permettant de déterminer la cible en trois dimensions pour que le robot qui doit procéder à l’installation puisse se diriger au bon endroit : le corpus niger.
Installé sur la table d’opération, vous êtes « boulonné » à un cadre et vous pouvez suivre les opérations sur un miroir situé au-dessus de vous qui sert à diriger le rayon laser. Un kiné m’accompagnait en permanence parce que, sans traitement depuis 24 heures, j’étais dans un état de blocage et de douleur impressionnant.
La sophrologie que j’ai pratiqué avant et pendant l’opération m’a aidé à me détacher de ce qui se passait : c’était comme s’il s’était agit de quelqu’un d’autre ; j’étais en quelque sorte au spectacle !
L’introduction de la première électrode puis des essais de premiers réglages m’ont permis de ressentir immédiatement les effets bénéfiques. 48 heures après, ce qui est rapide mais j’avais insisté pour tout faire le plus vite possible, le chirurgien me posait la deuxième électrode puis une semaine encore après le stimulateur sous l’épaule.
Le rédacteur : Après ces différentes phases, vous êtes alors prêt à vous déplacer sans problème ?
Gérard : Une personne m’avait dit : tu verras, tu marcheras tout de suite, c’est miraculeux ! J’attendais donc avec impatience de vérifier cela. Mais le chirurgien n’a voulu procéder au branchement définitif et aux réglages qu’un mois après.
Il nous avait prévenu, avant l’opération, que des échecs pouvaient se produire : la réussite n’est pas de 100%. Des pertes de parole, des paupières qui se ferment toutes seules, des mâchoires qui se bloquent, toute une série de difficultés peuvent se produire en cas d’échec de l’opération. Imaginez comment j’ai vécu ce mois d’attente où je me persuadais que je faisais parti de ces échecs !
C’est seulement un mois après que le professeur m’explique la nécessité de permettre aux hématomes de se résorber avant la mise en place du stimulateur pour mettre toutes les chances de réussite de son côté.
Ensuite des réglages tous les mois pendant trois mois, puis tous les trimestres enfin tous les semestres vérifications et tests.
Le rédacteur : Et durant tout ce temps avez-vous un accompagnement autre que le neurochirurgien ?
Gérard : J’étais suivi par une psychiatre avant l’opération parce que « bénéficiaire » d’une maladie bipolaire. Heureusement, parce que la situation est tellement oppressante qu’un accompagnement psychologique s’avère complètement indispensable : c’est une situation extrême qu’on n’est pas préparé à subir.
Aujourd’hui, je me sens différent d’avant. Je n’ai plus les mêmes centres d’intérêt, plus les mêmes relations sociales. Je ne vivais que pour ma famille formant des projets souvent orientés sur des investissements avec pour seul objet faire mieux pour gagner plus. Aujourd’hui, je m’intéresse aux autres. Mon sentiment de différence vient surtout de ma disponibilité, mon temps n’étant plus compté.
Le rédacteur : Est-ce que vous ressentez la présence des électrodes ’ Avez-vous un sentiment particulier vis-à-vis de ce corps étranger ?
Gérard : Au début, quand je tournais la tête je sentais que cela « tirait » les fils ! Je me suis senti « bionique », quelque chose comme dirigé par une mécanique étrangère à moi. Ce qui explique peut-être mon sentiment de différence d’avec les autres. Et puis je ressens un sentiment très fort de crainte sous-jacente : et si la pile s’arrêtait brutalement ?
Je ne fais plus de projet à long terme ou de déplacement éloigné : toujours cette crainte sous-jacente. Je suis lié à un fil, c’est le cas de le dire !
Le rédacteur : Alors des regrets ? Vous recommenceriez si c’était à refaire ?
Gérard : Ah oui alors plutôt deux fois qu’une ! Mais je redis qu’il faut être très très déterminé si l’on veut une réussite et surtout se préparer du mieux que l’on peut et se faire accompagner. Ceci d’autant plus que le S. A. V. (le service après vente), n’existe pas sauf pour la mécanique !
Mais ça ne m’empêche pas de me sentir « en sursis » parce que l’opération n’a pas fait disparaître la maladie : elle continue à agir sournoisement et j’ai la « trouille » qu’elle ne ressurgisse brutalement comme par le passé alors sans aucune solution de rechange puisqu’il n’y a aujourd’hui rien d’autre au-delà de cette opération !
Et puis aussi, dans les premiers mois, un sentiment très étrange d’un certain « abandon ». En effet, lors de ma maladie mon invalidité me rendait incontournable avec des questions et des visites tout au long de la journée au point que j’avais l’impression de me promener avec une pancarte dans le dos où était marqué « parkinsonien ». Aujourd’hui, je n’apparaît plus comme malade ; alors il me faut tout expliquer à un auditoire très circonspect voire incrédule et je ne bénéficie donc plus de l’attention des autres sauf peut-être de mon entourage.
Le rédacteur : Et vous Fabienne, comment avez-vous vécu cette opération ? Vous avez entendu votre mari, êtes-vous en accord avec ce qu’il dit ?
Fabienne : Je ne suis pas d’accord avec ce que dit Gérard sur ses craintes. Mais sans doute suis-je d’un tempérament plus optimiste que lui. J’avais une extrême confiance dans l’équipe chirurgicale et j’étais persuadée de la réussite de l’opération : rien ne pouvait lui arriver de pire que ce qu’il vivait avant. Pourtant, le chirurgien m’avait prévenu que, quelques jours avant, il avait subi un échec : le malade était dans le coma ! Pendant l’opération, je suis parti me promener pour éviter de trop penser.
Depuis l’opération, il faut bien dire qu’il fatigue beaucoup plus vite, que sa concentration est moindre, que comme il le dit, il n’a pas l’esprit tranquille : il s’interdit de vivre !
Gérard a trop tendance à se laisser aller : je le secoue pour le faire réagir.
L’accompagnant a un rôle tout à fait essentiel dans cette situation et pourtant, hélas, il y a de nombreux cas de séparation ou d’abandon dans ces moments là qui ne sont pas facile à vivre pour le conjoint.
C’est le travail d’une équipe avec et autour du malade : le soignants, les spécialistes mais aussi et surtout l’entourage.
Note du rédacteur : ce témoignage peut avoir donné envie à des malades ou des accompagnants dans cette situation de prendre contact avec Gérard et Fabienne ; qu’ils n’hésitent pas à demander leurs coordonnées au journal : ils seront ravis de faire partager leur vécu.
Interview réalisé par Jean GRAVELEAU
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