Ne pas être qu'un "patient" ...

Pour un nouveau consensus

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°42 – septembre 2010 

C’était en l’an 2000. Je venais d’apprendre que j’étais touché par la mala­die de Parkin­son. Après quelques semaines de déprime, j’ai décidé de m’informer sur cette mala­die qui allait m’accompagner désor­mais, et en parti­cu­lier sur les trai­te­ments médi­ca­men­teux qui pouvaient être propo­sés au Parkin­so­nien débu­tant de 64 ans, que j’étais à l’époque.
Un texte a beau­coup retenu mon atten­tion. Il s’agissait des recom­man­da­tions de la confé­rence de consen­sus du 3 mars 2000, docu­ment offi­ciel établi par les neuro­logues fran­çais et publié par l’agence natio­nale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES).
On peut trou­ver sur Inter­net le texte inté­gral de cette confé­rence de consen­sus ainsi que dans les premiers numé­ros de notre revue.
Étant débu­tant dans la mala­die, j’étais tout à fait concerné par la ques­tion numéro 3 :
Quelles stra­té­gies théra­peu­tiques sont à conseiller à la phase initiale de la mala­die de Parkinson ?
A cette ques­tion, la confé­rence de consen­sus apporte des réponses très argu­men­tées, selon l’âge du patient et la gravité des troubles ressentis.
Les réponses sont résu­mées dans des recom­man­da­tions, que le lecteur trou­vera à la page 20. En gros, on explique qu’il n’est pas toujours néces­saire de trai­ter dès le début et qu’il est souhai­table de retar­der si possible dans les trai­te­ments de phase initiale, l’usage de la L dopa, en raison des risques futurs de surve­nue de dyskinésies.

C’est pour­quoi, après une courte période de non trai­te­ment, je suis passé, sur les conseils de mon neuro­logue, à un trai­te­ment à base d’agoniste dopa­mi­ner­gique et d’IMao, et cela à des doses modé­rées .J’ai essayé d’éviter le plus long­temps possible l’usage de la L Dopa. Je n’ai commencé la L Dopa qu’en 2008, après 8 ans de mala­die, et, à poste­riori, je pense que j’aurais pu encore attendre un ou deux ans.
Pendant ces dix années, j’ai eu le senti­ment dans mon combat contre la mala­die, de suivre une stra­té­gie, bien argu­men­tée et claire et de plus approu­vée offi­ciel­le­ment par les neuro­logues fran­çais (elle résulte d’un consensus).
J’ajouterai que prendre le moins possible de médi­ca­ments fait faire des écono­mies à la Sécu­rité Sociale. 

Tout allait bien pour moi, aussi bien que possible sur le plan médi­cal et assez bien sur le plan psycho­lo­gique, jusqu’à ce jour de mars 2010. Ce jour là, je lisais sur le site GP 29, le compte rendu d’une inté­res­sante confé­rence du profes­seur Pollak, quand j’ai été surpris à la lecture de cette phrase : « L’attitude actuelle du corps médi­cal est de conseiller un trai­te­ment anti­par­kin­so­nien dès les premiers signes de la mala­die. On commence donc à trai­ter au plus tôt, ce qui pour­rait consti­tuer un béné­fice sur une moindre inva­li­dité au long cours. En gros, ça ne sert à rien de souf­frir en début de mala­die en retar­dant la prise de médi­ca­ments, c’est le contraire qui serait favo­rable pour l’avenir : trai­ter tôt mais avec de petites doses de chaque médicament. »
J’ai retrouvé la même stra­té­gie initiale sous la plume du profes­seur Pollak, à la page 240 du Livre Blanc : « Les bonnes pratiques théra­peu­tiques conseillent aujourd’hui de propo­ser un trai­te­ment anti­par­kin­so­nien dès le tout début des symp­tômes parkin­so­niens » On trouve ensuite dans les pages suivantes du Livre Blanc la descrip­tion des stra­té­gies préco­ni­sées dans les phases ulté­rieures de la maladie.
A l’évidence, il s’agit d’un chan­ge­ment total de stra­té­gie pour les patients débutants.
Par ailleurs, l’annonce est assor­tie de commen­taires quelque peu déva­lo­ri­sants : en gros, cela ne sert à rien de souffrir…etc. Aurais-​je souf­fert inuti­le­ment depuis 10 ans ? A titre person­nel, je n’en ai pas le senti­ment. Mais d’autres malades peuvent penser différemment.
Je ne suis pas du tout contre les chan­ge­ments de stra­té­gie (n’étant plus débu­tant, je ne suis pas concerné en tant que malade par ce qui est proposé !). Je pense même que au bout de 10 ans, il est normal pour les neuro­logues à partir de leurs expé­riences, de juger de l’efficacité des stra­té­gies préco­ni­sées en 2000 .Mais un chan­ge­ment de stra­té­gie devrait être la consé­quence de l’exposé d’arguments pour et contre, avant d’être affirmé.
Plusieurs phrases sont écrites au condi­tion­nel : « ce qui pour­rait consti­tuer un béné­fice sur une moindre inva­li­dité au long cours » ou bien : « c’est le contraire qui serait favo­rable pour l’avenir »
On peut se deman­der quelle serait une moindre inva­li­dité au long cours et aussi pour­quoi trai­ter tôt, mais avec de petites doses de chaque médi­ca­ment serait favo­rable à l’avenir.
Bien entendu, je sais que si les neuro­logues proposent un chan­ge­ment de stra­té­gie, ils ont certai­ne­ment des raisons, que les malades souhai­te­raient connaitre.
Dans le Livre Blanc, dans les pages 51 et suivantes, on parle longue­ment de la néces­sité d’améliorer les annonces faites au patient Parkin­so­nien au cours des phases d’évolution de la mala­die. Pour cela, il est envi­sagé (voir page 55), la tenue d’une seconde confé­rence du consen­sus prenant en compte le problème des annonces.
Je pense que cette confé­rence devrait aussi et prio­ri­tai­re­ment mettre à jour les diffé­rentes stra­té­gies théra­peu­tiques expo­sées dans la confé­rence de consen­sus de l’an 2000.

En conclu­sion, je cite­rai cette propo­si­tion conte­nue à la page 55 du Livre Blanc :

Dix ans , après, une seconde confé­rence de consen­sus ne s’impose-t-elle pas pour défi­nir les meilleures condi­tions d’annonces diag­nos­tiques et théra­peu­tiques et la mise en œuvre de recom­man­da­tions de bonnes pratiques dans le cadre d’un programme piloté par la Haute auto­rité de santé sur la mala­die de Parkinson ?

Jean Pierre Lagadec

1 Commentaire Cliquer ici pour laisser un commentaire

  1. Cela illustre bien le fait que les méde­cins sont loin de maitrî­ser les trai­te­ments de cette mala­die. J’ai 46 ans, diag­nos­ti­quée il y a 8 mois. Mon neuro m’a tenu un discours très posi­tif sur l’ef­fi­ca­cité des trai­te­ments médi­ca­men­teux. J’ai vite déchanté : avec l’aug­men­ta­tion des doses d’ago­niste dopa­mi­ner­gique sont appa­rues des crampes pénibles et douleurs tendi­neuses. Elle est où la lune de miel ? Au bout de 4 mois, on a rajouté de la L Dopa…Mais je souffre toujours. Pour moi, il y a un réel déca­lage entre le discours des méde­cins (les trai­te­ments sont formi­dables) et la réalité que nous vivons.

    Commentaire by jaffres — 11 septembre 2010 #

Laisser un commentaire

XHTML: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Flux RSS des commentaires de cet article. Rétrolien URI

Propulsé par WordPress et le thème GimpStyle créé par Horacio Bella. Traduction (niss.fr).
Flux RSS des Articles et des commentaires. Valide XHTML et CSS.