Ne pas être qu'un "patient" ...

Louise BEYER, psychanalyste, témoigne à propos de sa maladie

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°45  –  juillet 2011 

Mettre des mots sur la mala­die me parait néces­saire. Je suis psycha­na­lyste et depuis 5 années j’ai la mala­die de Parkin­son et je ne me dis pas parkin­so­nienne. Le danger serait de s’identifier à la mala­die comme étant victime d’elle et de ce fait en perdre mon statut de sujet pour deve­nir objet d’elle, ce qui peut contri­buer à la dépres­sion. Comprendre la place que j’occupe, le regard qu’il me faut réadap­ter. Je crois énor­mé­ment à l’aide pluri­dis­ci­pli­naire, homéo­pa­thie, acuponc­ture, kiné­si­thé­ra­pie et travail thérapeutique. 

J’aimerai cepen­dant poser une ques­tion ? Il me semble qu’un facteur psycho­lo­gique peut inter­ve­nir. De quelle manière je n’en sait rien, mais j’ai constaté que la mala­die de Parkin­son mettait en exergue chez certaines personnes un oubli de soi, un don de soi comme seul moyen d’existence, ne s’autorisant pas à vivre pour elles comme si la mala­die mettait en exergue que derrière ce don de soi elles espé­raient qu’on les auto­rise à vivre leur désir et qu’on recon­naisse leur fragi­lité et leur diffi­culté à sortir du lien de dépen­dance à l’autre que le don de soi travestissait.

Cette prise de conscience est doulou­reuse pour la personne qui en prend conscience, mais libé­ra­trice aussi, car elle n’est pas jugée mais écou­tée. Comme si, ironie du sort, la mala­die remet­tait en scène le désir qu’on s’occupe aussi d’elle. Plus que dans toute autre mala­die, l’émotionnel à fleur de peau fait revivre la peur de l’aban­don et la dépres­sion qui s’en suit parle, me semble-​t-​il, d’un désir inavoué celui d’abandonner notre désir de sauver l’autre par peur qu’il nous abandonne.

C’est une hypo­thèse, parmi tant d’autres, disons que je l’ai enten­due chez certaines personnes ce qui n’en fait pas une géné­ra­lité, juste une piste de réflexion. Parkin­son a du sens pour chacun et le meilleur moyen de ne pas sombrer c’est d’essayer de comprendre ce que la mala­die (le mal à dire) nous révèle sur nous-​mêmes pour conver­tir le ressen­ti­ment qu’on peut éprou­ver en ouver­ture sur soi et par exten­sion aux autres.

Il y a de saintes colères. Une fois expri­mées, on peut passer à autre chose, montrer une nouvelle image de Parkin­son même si le physique n’est plus aussi dyna­mique. Il y a en nous une autre force qu’il faut solli­ci­ter et ça, ça dépend de notre désir de vivre la mala­die soit comme une victime soit comme acteur de ma vie malgré les malgré.

Cela peut se faire aussi grâce à tous ceux et celles qui nous encou­ragent à rester soli­daires et à parta­ger notre vécu, nos talents, à parler de Parkin­son au plus près de son ressenti. Parler de tout cela peut être une aide pour la recherche aussi car qui peut parler le mieux d’elle, c’est celui qui en est atteint et qui décide de faire équipe avec Parkin­son. Puisque Parkin­son s’est imposé à moi autant ne pas m’en faire un ennemi mais un drôle d’ami.

Tout cela pour vous dire merci d’expliquer la mala­die avec des mots simples. Donnons lui la iplace pour mieux l’apprivoiser et toute initia­tive est une pièce de plus au puzzle de la vie. Ce n’est pas de ma place d’analyste que je parle mais de la place à laquelle Parkin­son m’a invité. Chan­ger mon regard sur la mala­die, sur moi et sur les autres, est une autre manière de ne pas répondre à ce qui peut nous entraî­ner à une ferme­ture sur nous-​mêmes, qui nous ferait encore plus souf­frir et qui ferait souf­frir ceux à qui nous montre­rons leur impuis­sance à nous soulager.

Jusqu’à notre mort, nous serons des personnes vivantes et nous avons besoin de toutes ces personnes, soignants, aimants, croyants à la vie qui nous habite. Alors merci à chacun, à la science, aux progrès de tous ceux qui comme vous insuf­flez la vie. Merci pour votre confé­rence (Confé­rence de Anne FROBERT du 17 avril 2004, paru dans le Parkin­so­nien Indé­pen­dant N°17-juin 2004). 

Par Louise BEYER — 22 février 2011 

12 Commentaires Cliquer ici pour laisser un commentaire

  1. Karjine, à droite de l’écran « tapez dans recherche » MUCUNA vous y décou­vri­rez un article de Jean Grave­leau puis 61 commen­taires qui se suivent, vous trou­ve­rez une piste pour rempla­cer progres­si­ve­ment 60 à 70 % de l’ allo­pa­thie par du Mucuna. Pour un complé­ment d’in­for­ma­tion reve­nez vers nous.

    Commentaire by prevost — 25 novembre 2016 #

  2. Bonjour à toutes tous,
    fille d’un papa qui a la mala­die de Parkin­son depuis 15 ans et qui va actuel­le­ment mal, je cherche d’autres alter­na­tives au trai­te­ment chimique, persua­dée quel l’on peut amélio­rer les choses autre­ment. Je ne prone pas l’ar­ret des médi­ca­ments bien sur mais je pense qu’il faut fuoiller d’autres pistes en paral­lele. Notam­ment tout ce qui a trait à soi, psychi­que­ment, physi­que­ment. Merci Louise pour votre partage, merci aussi aux autres personnes également.
    Enfin, Annie pour­riez vous m’in­di­quer où se trouve l’équipe théra­peu­tique dont vous parlez ?
    Bien cordia­le­ment à tous, Ificlide

    Commentaire by karjine — 24 novembre 2016 #

  3. Bonsoir

    Je vous ai envoyé un bulle­tin d’abon­ne­ment au Parkinsonien
    Indé­pen­dant. Je souhaite que votre visite au CHU réponde
    à votre attente. Bien amica­le­ment — E.Six

    Commentaire by GP29 — 9 avril 2014 #

  4. BONSOIR

    je viens de décou­vrir ce groupe 29 et la publi­ca­tion et j’ai­me­rais savoir comment m’y abon­ner (parkin­so­nien indépendant)
    Je suis atteinte par cette mala­die diag­nos­ti­quée en 2008 ‚j’ai 56 ans ‚psycho­logue et psycha­na­lyste, très inté­res­sée par témoi­gnage de Louise Becker …ET par com . Je vis à Grenoble n’ar­rive plus à travailler au CMMP ?GARDE qq pers en libé­ral ‚prends bcp de médic et suite à évolu­tion on me propose stimu­la­tion neuro céré­brale (devrai entrer au CHU le 5 MAI )…à coté kiné ortho­pho­niste osthéo parfois
    MERCI de me répondre ou me donner lien . CORDIALEMENT
    MF Doineau

    Commentaire by Doineau Marie-Frédérique — 2 avril 2014 #

  5. … « do you ait at the bus stop or drive the bus ? » …
    j’aime beau­coup votre exemple qui sous-​tend notre action au travers de la revue dont le nom porte en lui-​même son prin­cipe : « le Parkin­so­nien Indépendant » !!!
    Je ne suis pas assez doué pour traduire votre inter­ven­tion pour les non-​anglophones ; qu’ils sachent seule­ment que vous appuyez large­ment notre vision des choses ;
    Nous vous en remer­cions sincèrement
    Jean Graveleau

    Commentaire by JEAN GRAVELEAU — 26 novembre 2011 #

  6. The encul­tu­ri­sa­tion of illness is an inter­es­ting concept .I am writing as a person with Parkin­son’s Disease my inter­pre­ta­tion of the process.I was diag­no­sed 8yrs ago.I am 52 yrs old I do not believe that a cure will present itself in my life­time and I intend to live a long life,it is possible to live well with illness and my outlook,face it dont fear it and educate your­self and others,Its a begi­ning not an ending.
    ‘The day you receive a diag­no­sis of illness,the dege­ne­ra­tive kind,you instantly become a patient for the rest of your days looked after by pres­cri­bed services and looked at diffe­rently by loved ones who become carers by default.Devastation aside the whole process is a nega­tive one,turmoil ensues and vulne­ra­bi­lity because of illness takes over in the fast lane.Doctors pres­cribe medicines,Partners become carers,researchers look for cause and cure.

    The patient you have become is frequently lost in all of these pre shaped Life Outcomes,instantly cata­pul­ting you toward the inevi­ta­bi­lity of disability.This is the pros­cri­bed life outcome.Medicines,percieved support pres­cri­bed as care and expec­ted decline The patient a person a voice,no one noti­cing or looking and liste­ning, ’ youve become an illness.’

    , As a patient life takes on a new sense of urgency . Typi­cally the patient attempts to unders­tand the rate of dege­ne­ra­tion with ques­tions such as, « What will I be like in five, ten and fiif­teen years from now ? » .So were do we go from here,do you wait at the bus stop or drive the bus.The choice is an indi­vi­dual one,you can travel one stop or to the end of the route,and get on or off whenever,you wish or need to.

    Commentaire by christine proctor — 17 novembre 2011 #

  7. A Sylvain et à son frère, 

    Je ne connais pas de collègue ayant la mala­die de Parkin­son, mais je connais un collègue qui a toute ma confiance et qui a une belle qualité d’écoute. Peut-​être pour­rions nous échan­ger par mails si vous le dési­rez, il exerce sur Paris.
    Merci Sylvain pour vos mots, votre atten­tion envers votre frère. Mais j’ai­me­rai dire à votre frère que s’il est vrai
    « Ne peut vrai­ment comprendre que celui qui vit dans sa tête, son corps toutes ces varia­tions qui sont nous et pas nous« Il est vrai aussi que parta­ger avec ceux qui veulent nous accom­pa­gner c’est une autre manière de ne pas rester dans des images faus­se­ment véhi­cu­lées autour de la mala­die de Parkinson.
    Refu­ser d’être amal­ga­mer à l’ob­jet Parkin­son, refu­ser d’en être victime. C’est appor­ter cette part vivante qui nous habite c’est retrou­ver un nouveau rapport aux choses.
    Décou­vrir en soi et autour de soi que la peur habite chacun. Faire une relec­ture de sa vie avec cette donnée en plus pour donner un nouveau sens à notre vie, pour se réap­pro­prier notre iden­tité de sujet. Il n’y a pas de combats inutiles lors­qu’ils nous conduisent vers nous-mêmes.
    La mala­die ne doit pas être un obstacle mais elle ne dépend que de la manière dont on l’approche.
    Et avec ces hauts et ses bas nous conti­nuons à nous construire, peut-​être avec plus d’intériorité.
    Tenez bon ! Osez croire au langage qui libère la parole.
    Bien à vous dans la joie du partage.Louise B.

    Commentaire by Louise Beyer — 31 octobre 2011 #

  8. Bonjour,

    J’ai été touché par la façon telle­ment humaine que vous avez de parler de cette mala­die et comment elle affecte notre diffi­cile parcours d’être humain.
    Mon frère (60 ans) est atteint de la mala­die de Parkin­son, et plutôt réfrac­taire aux démarches « psycho­lo­gi­sante ». Il me dit récem­ment qu’il serait prêt à accep­ter une aide psycho­thé­ra­peu­tique, mais il voudrait impé­ra­ti­ve­ment que cet aidant soit lui même touché par la mala­die, car ainsi il se senti­rait « vrai­ment » compris ‚entendu, perçu. Il est en région pari­sienne. Connaî­triez vous un ou une psycha­na­lyste comme vous ou psycho­thé­ra­peute vers qui je pour­rai le guider.
    Merci
    Sylvain

    Commentaire by Bugajski — 23 octobre 2011 #

  9. Merveilleuse et lumi­neuse idée que celle de réécrire sa parti­tion, de témoi­gner de cette vie qui vous habite. Ce sont tous ces partages qui donne­ront une nouvelle image de Parkin­son. Merci Eliza­beth d’avan­cer vers votre Lumière et simple­ment la diffu­ser comme vous le faites. A vous aussi Eliza­beth merci . Louise Beyer

    Commentaire by Louise beyer — 3 août 2011 #

  10. merci pour ces réflexions sur la mala­die mais surtout sur la vie, la nôtre ‚celle que l’on aborde comme une nouvelle île dont on ne connaît ni le sable, ni les arbres.
    J’en suis à recom­po­ser ma parti­tion autre­ment, avec ô combien de projets posi­tifs, et même si parfois la possible décré­pi­tude pointe son nez j’ai la sensa­tion d’être une autre, une belle autre.
    merci à vous Louise

    Commentaire by elizabeth bouvret — 3 août 2011 #

  11. Merci Annie pour votre encou­ra­ge­ment, il est vrai que la mala­die peut nous révé­ler, du fait même de la fragi­lité qu’elle dévoile, une part de nous-​même tapie dans l’ombre de notre psyché.
    La confron­ta­tion avec la réalité d’une mala­die met à rude épreuve notre imagi­naire et nous confronte à son alié­na­tion. à notre morta­lité et tout ce que nous avons construit autour.
    La mala­die est ce mal à dire, à se dire tel que nous sommes.
    Si certains jours la réalité aurait tendance à nous entraî­ner vers la passi­vité, au « à quoi bon », nous sommes peut-​être enfin en route vers notre humanité.
    Notre huma­nité de sujet éprou­vée pour se prou­ver en quelque sorte qu’elle peut aussi s’as­su­mer et se responsabiliser.
    En nous révè­lant nos parts d’ombres pour y être confron­tés, en les accueillant comme consti­tuantes de notre être nous révé­lant combien nous nous sommes mal-​aimés aussi.
    Combien nous nous sommes perdus de vue.
    Nous sommes enfin en marche, même si corpo­rel­le­ment nous peinons parfois.
    Toutes ces prises de conscience si dans un premier temps sont perçus comme souf­frants entraînent un mouve­ment de vie qui nous amène à réflé­chir au sens de la vie et au sens que nous voulons lui donner afin d’être au plus vrai de ce que nous sommes.
    Simple­ment des êtres humains bien­veillants et malveillants aussi et ça ça fait toute la diffé­rence, le reste devient secon­daire car je me suis regar­dée sujet humain, éprou­vée dans la mala­die certes il ne s’agit pas de le nier, mais ayant compris une réalité, tous les êtres humains sont mortels, même si ils font comme si…
    Alors mon regard change et se pose, sur celui qui croit encore à sa toute-​puissance, en tendresse, car ce qu’il peut m’adres­ser comme « une bonne santé » n’est que rela­tive et je ne l’a perçoit plus comme persé­cu­trice, bles­sante ou simple­ment non-aimante
    Amica­le­ment à vous Annie. Louise Beyer

    Commentaire by Beyer Louise — 2 août 2011 #

  12. Merveilleux, super Louise votre article, je partage exac­te­ment votre ressenti, et espère vu votre profes­sion que vous serez entendue
    ne pour­rions nous pas trou­ver un autre terme que « parkinsonien »
    car nous ne disons pas gripien, cancé­rien, sidaien, diabétien
    etc.…
    person­nel­le­ment je remer­cie Parkin­son de m’avoir permis un
    réel travail d’épa­nouis­se­ment, et de décou­vrir mon être véri­table, ceci grâce à une équipe théra­peu­tique hors du commun, acupunc­teur, bioéner­gé­ti­cien, maître shiatsu,
    scio etc.…

    Commentaire by Annie — 2 août 2011 #

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