Louise BEYER, psychanalyste, témoigne à propos de sa maladie
Publié le 21 juillet 2011 à 09:17Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°45 – juillet 2011
Mettre des mots sur la maladie me parait nécessaire. Je suis psychanalyste et depuis 5 années j’ai la maladie de Parkinson et je ne me dis pas parkinsonienne. Le danger serait de s’identifier à la maladie comme étant victime d’elle et de ce fait en perdre mon statut de sujet pour devenir objet d’elle, ce qui peut contribuer à la dépression. Comprendre la place que j’occupe, le regard qu’il me faut réadapter. Je crois énormément à l’aide pluridisciplinaire, homéopathie, acuponcture, kinésithérapie et travail thérapeutique.
J’aimerai cependant poser une question ? Il me semble qu’un facteur psychologique peut intervenir. De quelle manière je n’en sait rien, mais j’ai constaté que la maladie de Parkinson mettait en exergue chez certaines personnes un oubli de soi, un don de soi comme seul moyen d’existence, ne s’autorisant pas à vivre pour elles comme si la maladie mettait en exergue que derrière ce don de soi elles espéraient qu’on les autorise à vivre leur désir et qu’on reconnaisse leur fragilité et leur difficulté à sortir du lien de dépendance à l’autre que le don de soi travestissait.
Cette prise de conscience est douloureuse pour la personne qui en prend conscience, mais libératrice aussi, car elle n’est pas jugée mais écoutée. Comme si, ironie du sort, la maladie remettait en scène le désir qu’on s’occupe aussi d’elle. Plus que dans toute autre maladie, l’émotionnel à fleur de peau fait revivre la peur de l’abandon et la dépression qui s’en suit parle, me semble-t-il, d’un désir inavoué celui d’abandonner notre désir de sauver l’autre par peur qu’il nous abandonne.
C’est une hypothèse, parmi tant d’autres, disons que je l’ai entendue chez certaines personnes ce qui n’en fait pas une généralité, juste une piste de réflexion. Parkinson a du sens pour chacun et le meilleur moyen de ne pas sombrer c’est d’essayer de comprendre ce que la maladie (le mal à dire) nous révèle sur nous-mêmes pour convertir le ressentiment qu’on peut éprouver en ouverture sur soi et par extension aux autres.
Il y a de saintes colères. Une fois exprimées, on peut passer à autre chose, montrer une nouvelle image de Parkinson même si le physique n’est plus aussi dynamique. Il y a en nous une autre force qu’il faut solliciter et ça, ça dépend de notre désir de vivre la maladie soit comme une victime soit comme acteur de ma vie malgré les malgré.
Cela peut se faire aussi grâce à tous ceux et celles qui nous encouragent à rester solidaires et à partager notre vécu, nos talents, à parler de Parkinson au plus près de son ressenti. Parler de tout cela peut être une aide pour la recherche aussi car qui peut parler le mieux d’elle, c’est celui qui en est atteint et qui décide de faire équipe avec Parkinson. Puisque Parkinson s’est imposé à moi autant ne pas m’en faire un ennemi mais un drôle d’ami.
Tout cela pour vous dire merci d’expliquer la maladie avec des mots simples. Donnons lui la iplace pour mieux l’apprivoiser et toute initiative est une pièce de plus au puzzle de la vie. Ce n’est pas de ma place d’analyste que je parle mais de la place à laquelle Parkinson m’a invité. Changer mon regard sur la maladie, sur moi et sur les autres, est une autre manière de ne pas répondre à ce qui peut nous entraîner à une fermeture sur nous-mêmes, qui nous ferait encore plus souffrir et qui ferait souffrir ceux à qui nous montrerons leur impuissance à nous soulager.
Jusqu’à notre mort, nous serons des personnes vivantes et nous avons besoin de toutes ces personnes, soignants, aimants, croyants à la vie qui nous habite. Alors merci à chacun, à la science, aux progrès de tous ceux qui comme vous insufflez la vie. Merci pour votre conférence (Conférence de Anne FROBERT du 17 avril 2004, paru dans le Parkinsonien Indépendant N°17-juin 2004).
Par Louise BEYER — 22 février 2011
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Commentaire by prevost — 25 novembre 2016 #
Bonjour à toutes tous,
fille d’un papa qui a la maladie de Parkinson depuis 15 ans et qui va actuellement mal, je cherche d’autres alternatives au traitement chimique, persuadée quel l’on peut améliorer les choses autrement. Je ne prone pas l’arret des médicaments bien sur mais je pense qu’il faut fuoiller d’autres pistes en parallele. Notamment tout ce qui a trait à soi, psychiquement, physiquement. Merci Louise pour votre partage, merci aussi aux autres personnes également.
Enfin, Annie pourriez vous m’indiquer où se trouve l’équipe thérapeutique dont vous parlez ?
Bien cordialement à tous, Ificlide
Commentaire by karjine — 24 novembre 2016 #
Bonsoir
Je vous ai envoyé un bulletin d’abonnement au Parkinsonien
Indépendant. Je souhaite que votre visite au CHU réponde
à votre attente. Bien amicalement — E.Six
Commentaire by GP29 — 9 avril 2014 #
BONSOIR
je viens de découvrir ce groupe 29 et la publication et j’aimerais savoir comment m’y abonner (parkinsonien indépendant)
Je suis atteinte par cette maladie diagnostiquée en 2008 ‚j’ai 56 ans ‚psychologue et psychanalyste, très intéressée par témoignage de Louise Becker …ET par com . Je vis à Grenoble n’arrive plus à travailler au CMMP ?GARDE qq pers en libéral ‚prends bcp de médic et suite à évolution on me propose stimulation neuro cérébrale (devrai entrer au CHU le 5 MAI )…à coté kiné orthophoniste osthéo parfois
MERCI de me répondre ou me donner lien . CORDIALEMENT
MF Doineau
Commentaire by Doineau Marie-Frédérique — 2 avril 2014 #
… « do you ait at the bus stop or drive the bus ? » …
j’aime beaucoup votre exemple qui sous-tend notre action au travers de la revue dont le nom porte en lui-même son principe : « le Parkinsonien Indépendant » !!!
Je ne suis pas assez doué pour traduire votre intervention pour les non-anglophones ; qu’ils sachent seulement que vous appuyez largement notre vision des choses ;
Nous vous en remercions sincèrement
Jean Graveleau
Commentaire by JEAN GRAVELEAU — 26 novembre 2011 #
The enculturisation of illness is an interesting concept .I am writing as a person with Parkinson’s Disease my interpretation of the process.I was diagnosed 8yrs ago.I am 52 yrs old I do not believe that a cure will present itself in my lifetime and I intend to live a long life,it is possible to live well with illness and my outlook,face it dont fear it and educate yourself and others,Its a begining not an ending.
‘The day you receive a diagnosis of illness,the degenerative kind,you instantly become a patient for the rest of your days looked after by prescribed services and looked at differently by loved ones who become carers by default.Devastation aside the whole process is a negative one,turmoil ensues and vulnerability because of illness takes over in the fast lane.Doctors prescribe medicines,Partners become carers,researchers look for cause and cure.
The patient you have become is frequently lost in all of these pre shaped Life Outcomes,instantly catapulting you toward the inevitability of disability.This is the proscribed life outcome.Medicines,percieved support prescribed as care and expected decline The patient a person a voice,no one noticing or looking and listening, ’ youve become an illness.’
, As a patient life takes on a new sense of urgency . Typically the patient attempts to understand the rate of degeneration with questions such as, « What will I be like in five, ten and fiifteen years from now ? » .So were do we go from here,do you wait at the bus stop or drive the bus.The choice is an individual one,you can travel one stop or to the end of the route,and get on or off whenever,you wish or need to.
Commentaire by christine proctor — 17 novembre 2011 #
A Sylvain et à son frère,
Je ne connais pas de collègue ayant la maladie de Parkinson, mais je connais un collègue qui a toute ma confiance et qui a une belle qualité d’écoute. Peut-être pourrions nous échanger par mails si vous le désirez, il exerce sur Paris.
Merci Sylvain pour vos mots, votre attention envers votre frère. Mais j’aimerai dire à votre frère que s’il est vrai
« Ne peut vraiment comprendre que celui qui vit dans sa tête, son corps toutes ces variations qui sont nous et pas nous« Il est vrai aussi que partager avec ceux qui veulent nous accompagner c’est une autre manière de ne pas rester dans des images faussement véhiculées autour de la maladie de Parkinson.
Refuser d’être amalgamer à l’objet Parkinson, refuser d’en être victime. C’est apporter cette part vivante qui nous habite c’est retrouver un nouveau rapport aux choses.
Découvrir en soi et autour de soi que la peur habite chacun. Faire une relecture de sa vie avec cette donnée en plus pour donner un nouveau sens à notre vie, pour se réapproprier notre identité de sujet. Il n’y a pas de combats inutiles lorsqu’ils nous conduisent vers nous-mêmes.
La maladie ne doit pas être un obstacle mais elle ne dépend que de la manière dont on l’approche.
Et avec ces hauts et ses bas nous continuons à nous construire, peut-être avec plus d’intériorité.
Tenez bon ! Osez croire au langage qui libère la parole.
Bien à vous dans la joie du partage.Louise B.
Commentaire by Louise Beyer — 31 octobre 2011 #
Bonjour,
J’ai été touché par la façon tellement humaine que vous avez de parler de cette maladie et comment elle affecte notre difficile parcours d’être humain.
Mon frère (60 ans) est atteint de la maladie de Parkinson, et plutôt réfractaire aux démarches « psychologisante ». Il me dit récemment qu’il serait prêt à accepter une aide psychothérapeutique, mais il voudrait impérativement que cet aidant soit lui même touché par la maladie, car ainsi il se sentirait « vraiment » compris ‚entendu, perçu. Il est en région parisienne. Connaîtriez vous un ou une psychanalyste comme vous ou psychothérapeute vers qui je pourrai le guider.
Merci
Sylvain
Commentaire by Bugajski — 23 octobre 2011 #
Merveilleuse et lumineuse idée que celle de réécrire sa partition, de témoigner de cette vie qui vous habite. Ce sont tous ces partages qui donneront une nouvelle image de Parkinson. Merci Elizabeth d’avancer vers votre Lumière et simplement la diffuser comme vous le faites. A vous aussi Elizabeth merci . Louise Beyer
Commentaire by Louise beyer — 3 août 2011 #
merci pour ces réflexions sur la maladie mais surtout sur la vie, la nôtre ‚celle que l’on aborde comme une nouvelle île dont on ne connaît ni le sable, ni les arbres.
J’en suis à recomposer ma partition autrement, avec ô combien de projets positifs, et même si parfois la possible décrépitude pointe son nez j’ai la sensation d’être une autre, une belle autre.
merci à vous Louise
Commentaire by elizabeth bouvret — 3 août 2011 #
Merci Annie pour votre encouragement, il est vrai que la maladie peut nous révéler, du fait même de la fragilité qu’elle dévoile, une part de nous-même tapie dans l’ombre de notre psyché.
La confrontation avec la réalité d’une maladie met à rude épreuve notre imaginaire et nous confronte à son aliénation. à notre mortalité et tout ce que nous avons construit autour.
La maladie est ce mal à dire, à se dire tel que nous sommes.
Si certains jours la réalité aurait tendance à nous entraîner vers la passivité, au « à quoi bon », nous sommes peut-être enfin en route vers notre humanité.
Notre humanité de sujet éprouvée pour se prouver en quelque sorte qu’elle peut aussi s’assumer et se responsabiliser.
En nous révèlant nos parts d’ombres pour y être confrontés, en les accueillant comme constituantes de notre être nous révélant combien nous nous sommes mal-aimés aussi.
Combien nous nous sommes perdus de vue.
Nous sommes enfin en marche, même si corporellement nous peinons parfois.
Toutes ces prises de conscience si dans un premier temps sont perçus comme souffrants entraînent un mouvement de vie qui nous amène à réfléchir au sens de la vie et au sens que nous voulons lui donner afin d’être au plus vrai de ce que nous sommes.
Simplement des êtres humains bienveillants et malveillants aussi et ça ça fait toute la différence, le reste devient secondaire car je me suis regardée sujet humain, éprouvée dans la maladie certes il ne s’agit pas de le nier, mais ayant compris une réalité, tous les êtres humains sont mortels, même si ils font comme si…
Alors mon regard change et se pose, sur celui qui croit encore à sa toute-puissance, en tendresse, car ce qu’il peut m’adresser comme « une bonne santé » n’est que relative et je ne l’a perçoit plus comme persécutrice, blessante ou simplement non-aimante
Amicalement à vous Annie. Louise Beyer
Commentaire by Beyer Louise — 2 août 2011 #
Merveilleux, super Louise votre article, je partage exactement votre ressenti, et espère vu votre profession que vous serez entendue
ne pourrions nous pas trouver un autre terme que « parkinsonien »
car nous ne disons pas gripien, cancérien, sidaien, diabétien
etc.…
personnellement je remercie Parkinson de m’avoir permis un
réel travail d’épanouissement, et de découvrir mon être véritable, ceci grâce à une équipe thérapeutique hors du commun, acupuncteur, bioénergéticien, maître shiatsu,
scio etc.…
Commentaire by Annie — 2 août 2011 #