Ne pas être qu'un "patient" ...

Le punding

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°50 – septembre 2012 

Parmi les TCI (troubles du contrôle des impul­sions) favo­ri­sés par les trai­te­ments dopa­mi­ner­giques, on note habi­tuel­le­ment : le jeu patho­lo­gique, les achats patho­lo­giques, l’hypersexualité, les troubles du compor­te­ment alimen­taire (bouli­mie nocturne ou grigno­tage fréquent de sucre­ries) et l’addiction à la lévo­dopa (syndrome de déré­gu­la­tion dopa­mi­ner­gique). D’autres troubles ont été décrits, tels que des « errances » parfois loin du domi­cile, sans but iden­ti­fié ou le déve­lop­pe­ment d’une klep­to­ma­nie mais aussi le punding. Voici ce qu’en dit le Dr Virgi­nie CZERNECKI. 

Le punding se défi­nit comme un compor­te­ment stéréo­typé complexe, répété, non dirigé vers un but et s’inscrivant dans la durée. Il se carac­té­rise par une intense fasci­na­tion ou une atti­rance irré­sis­tible vers des objets communs, tout à fait banals, qui sont sans cesse mani­pu­lés, exami­nés, collec­tion­nés, triés, rangés… Le terme punding est dérivé de l’argot suédois et signi­fie litté­ra­le­ment « tête bloquée », en réfé­rence au fait que malgré l’inutilité de leur acti­vité, ces patients persistent à l’accomplir. Ce compor­te­ment élaboré est souvent lié à une acti­vité de plai­sir idio­syn­cra­sique préexistante.
[Idio­syn­cra­sie : manière d’être parti­cu­lière à chaque indi­vidu, qui l’amène à avoir des réac­tions, des compor­te­ments qui lui sont propres. Par exemple, dans le cas de punding, on parle de plai­sir idiosyncrasique.]

Ces compor­te­ments répé­tés, dénués de sens, inutiles voire nuisibles et néan­moins irré­pres­sibles, présentent des simi­li­tudes phéno­mé­no­lo­giques fortes avec des troubles obses­sion­nels compul­sifs (TOC). Or, la défi­ni­tion clas­sique des TOC consiste en la présence d’évènements cogni­tifs intru­sifs (obses­sions), qui engendre un compor­te­ment répé­ti­tif inten­tion­nel (compul­sions), dans le but de neutra­li­ser à la fois la pensée obsé­dante et l’anxiété asso­ciée à cette pensée. Ainsi, l’absence de pensées obses­sion­nelles et d’anxiété accom­pa­gnant le compor­te­ment de punding consti­tue un élément clé du diag­nos­tic avec les TOC. En outre, l’inefficacité des anti­dé­pres­seurs sur ces compor­te­ments consti­tue égale­ment un indice en faveur du diag­nos­tic de punding. 

Ces compor­te­ments surviennent géné­ra­le­ment lors d’une augmen­ta­tion de la poso­lo­gie des trai­te­ments anti­par­kin­so­niens. Les comor­bi­di­tés fréquentes sont des insom­nies, des dyski­né­sies, une hyper­sexua­lité ou une addic­tion à la lévo­dopa, sans doute liées à un dysfonc­tion­ne­ment des systèmes de la récom­pense. D’autres compor­te­ments de compul­sion et de répé­ti­tion peuvent surve­nir dans le contexte d’une augmen­ta­tion de la phar­ma­co­thé­ra­pie dopa­mi­ner­gique, vrai­sem­bla­ble­ment par une surs­ti­mu­la­tion des récep­teurs dopa­mi­ner­giques dans les circuits méso­lim­biques asso­ciés aux noyaux accum­bens, condui­sant à des compor­te­ments de recherche de nouveauté et de récom­pense. Le méca­nisme physio­lo­gique serait proche de celui des dyski­né­sies dopa-​induites, mais concer­ne­rait davan­tage les parties cogni­tives ou limbiques du stria­tum que le terri­toire moteur. 

Le punding est un trouble compor­te­men­tal sous-​évalué dans la popu­la­tion parkin­so­nienne et son reten­tis­se­ment sur la vie sociale peut être désas­treux. La préva­lence s’élèverait jusqu’à 14%. Le neuro­logue doit être vigi­lant, lorsqu’un patient parkin­so­nien, dyski­né­tique, utilise de fortes doses de trai­te­ment dopa­mi­ner­gique ou réclame des doses supplé­men­taires et se plaint de troubles du sommeil ou d’une hyper­ac­ti­vité nocturne. Il est impor­tant de signa­ler au patient le lien entre une consom­ma­tion impor­tante d’un trai­te­ment dopa­mi­ner­gique et la surve­nue de ces troubles, de dimi­nuer la pres­crip­tion dopa­mi­ner­gique sans pres­crire d’antidépresseurs et de trai­ter les troubles du sommeil.

V. Czer­ne­cki, INSERM U610, neuro-​anatomie fonc­tion­nelle du compor­te­ment et de ses troubles, pavillon Claude-​Bernard, hôpi­tal de la Pitié-​Salpêtrière, Paris.
La Lettre du Neuro­logue – avril 2005
Lu par Guy Seguin guymaick@wanadoo.fr

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