Ne pas être qu'un "patient" ...

Diagnostiquer Parkinson, bientôt simple comme un coup de fil

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°51 – décembre 2012 

La mala­die de Parkin­son est dégé­né­ra­tive et rava­geuse. Les trai­te­ments s’at­taquent aux symp­tômes, retardent l’échéance inéluc­table pour ses 6,3 millions de victimes dans le monde. L’aug­men­ta­tion de l’es­pé­rance de vie laisse présa­ger une flam­bée de cette patho­lo­gie. Méde­cins et labo­ra­toires tâtonnent. Les patients sombrent. Aucun trai­te­ment n’a raison du mal. Pour mieux comprendre la mala­die, il faudrait pouvoir tester les soins de façon plus rapide, et pour cela béné­fi­cier de larges échan­tillons de malades. Un rêve dans cette période de crise pour les Etats et les groupes pharmaceutiques. 

Un projet en bonne et due forme pour Max Little, cher­cheur au MIT (Insti­tut de tech­no­lo­gie du Massa­chu­setts) en mathé­ma­tiques appli­quées. « Aujourd’­hui, on ne sait pas comment aider les malades de Parkin­son, notam­ment parce que l’on ne sait pas lire l’évo­lu­tion des symp­tômes. Nous n’avons pas les moyens acces­sibles et faciles pour suivre cela de façon objective. »

Max Little a inau­guré la confé­rence avec une promesse comme on n’en entend qu’à TED : bien­tôt diag­nos­ti­quer la mala­die de Parkin­son et suivre son évolu­tion sera, litté­ra­le­ment, simple comme un coup de fil. Et quasi­ment gratuit. …

Chez un malade de Parkin­son, la voix a des rigidités
Ses recherches démarrent en 2003 lors de son PhD (docto­rat de recherche) à Oxford. Il pense que les mathé­ma­tiques peuvent aider à mieux comprendre la voix. « Je cher­chais un terrain d’ap­pli­ca­tion. Je me suis inté­ressé aux dysfonc­tion­ne­ments. Par exemple, comment un chirur­gien qui inter­vient sur des cordes vocales — après un cancer notam­ment — peut-​il savoir, objec­ti­ve­ment, qu’il a réussi ? » Max Little se lance dans l’ana­lyse clinique, travaille avec des méde­cins, publie, crée des modèles algorithmiques.

En 2006 à Toulouse, lors de la confé­rence Inter­na­tio­nal Confe­rence on Acous­tics, Speech and Signal Proces­sing (Icassp) sur l’élec­tro­nique, l’acous­tique, la parole, il est abordé dans les couloirs par un cher­cheur d’In­tel. La firme travaille sur des outils pour suivre l’évo­lu­tion de la mala­die de Parkin­son. L’un de ses fonda­teurs inves­tit une bonne partie de sa fortune depuis qu’il se sait atteint. Préci­sé­ment, les cher­cheurs d’In­tel ont enre­gis­tré la voix de cinquante patients, une fois par semaine, pendant six mois. Mais ils ne savent pas quoi faire des données. Du pain bénit pour Max Little. Intel le met au défi, orga­nise un test à l’aveugle. Avec l’aide de son système, il doit iden­ti­fier les malades. Il répond avec 86 % de fiabilité.

Max Little travaille à partir d’en­re­gis­tre­ments. Il y applique une batte­rie d’al­go­rithmes (300 !) pour trans­for­mer un signal sonore en nombre. « On cherche une dizaine de données qui carac­té­risent votre voix, comme la régu­la­rité de la vibra­tion de vos cordes vocales, l’am­pli­tude de mouve­ment de vos lèvres. Et ensuite on utilise le ‘machine lear­ning’ (l’ap­pren­tis­sage auto­nome des machines) pour mettre en lien ces données avec des infor­ma­tions concrètes, comme la présence ou non de la mala­die, sa sévé­rité. »

Le champ des ques­tions s’ouvre : quelles sont les causes de cette patho­lo­gie ? Les popu­la­tions à risque ? Comment opti­mi­ser les trai­te­ments ? Pour y répondre, la recherche a besoin d’un échan­tillon conséquent :
« Les méthodes utili­sées pour diag­nos­ti­quer et suivre les mala­dies sont bien trop onéreuses. Pour Parkin­son, il faut aller voir un neuro­logue. Le test dure vingt minutes, mais il coûte 300 dollars [aux Etats-​Unis]. Pour confir­mer la mala­die, il faut que le méde­cin essaie un trai­te­ment. A peu de chose près, un mois après, si les symp­tômes empirent, il dira que vous avez Parkin­son. C’est long et compli­qué à diag­nos­ti­quer, quant à savoir à quel stade de la mala­die vous êtes, oubliez ! On a besoin d’un outil simple, à bas coûts, à diffu­ser de façon la plus large possible pour une réponse objec­tive et rapide. »

L’idée est de rendre cette tech­no­lo­gie acces­sible à tous
Et, selon Max Little, cet outil est le télé­phone, utilisé par cinq milliards d’in­di­vi­dus. A terme, il veut créer une appli­ca­tion qui permet­tra à quiconque de réali­ser de chez lui un test de diag­nos­tic ou de suivre l’évo­lu­tion des symptômes.

Il a lancé à TED un appel à dons parti­cu­lier : « On a besoin de récu­pé­rer 10 000 voix pour construire notre échan­tillon. L’idée, c’est de recen­ser les problèmes qui pour­raient conduire à une mauvaise inter­pré­ta­tion (inter­fé­rence sur la ligne de télé­phone) et défi­nir le test opti­mal (durée, fréquence). Et puis on veut être sûr de regar­der les bons critères. »

La Parkin­son’s Voice Initia­tive a déjà récu­péré 6 200 contri­bu­teurs en un mois. « Mais j’ai vrai­ment besoin que vos lecteurs nous télé­phonent », conclut-​il dans un sourire. Pour pouvoir parti­ci­per, il suffit d’ap­pe­ler le 02 – 49-​88 – 05-​76, que vous ayez la mala­die ou pas, et de répondre aux ques­tions. Le test est anonyme et gratuit. 

Pour Max Little, la fortune serait-​elle à portée de main ? Ce n’est pas l’ob­jec­tif. « L’idée est de rendre cette tech­no­lo­gie acces­sible à tous, indi­vi­dus comme labo­ra­toires. On réflé­chit à la meilleure façon de le faire : faut-​il ou non nous asso­cier avec le mouve­ment des logi­ciels libres pour établir une appli­ca­tion gratuite sur iPhone ? Se rappro­cher des compa­gnies phar­ma­ceu­tiques pour qu’elles l’uti­lisent et baissent leurs coûts de recherche ? Notre but, c’est d’ac­cé­lé­rer la décou­verte d’un trai­te­ment. Aujourd’­hui, ce n’est plus seule­ment un problème d’argent, mais d’ac­cès aux données. »

Ce mathé­ma­ti­cien veut révo­lu­tion­ner le diag­nos­tic et accé­lé­rer le trai­te­ment des mala­dies neuro­nales. Des sommes astro­no­miques sont en jeu. Il travaille sur la voix. La sienne est claire, son raison­ne­ment limpide. Il est sûr de réus­sir. On a envie de le croire. Sur parole.

LE MONDE (08.08.2012) par Flore Vasseur 

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La TED : Lancée en Cali­for­nie en 1984, la confé­rence Tech­no­logy, Enter­tain­ment and Design (TED) est la Mecque des passion­nés d’in­no­va­tion. Seuls en scène, sans notes et en dix-​huit minutes, artistes, cher­cheurs du Massa­chu­setts Insti­tute of Tech­no­logy et huma­ni­taires partagent visions et recherches pour le monde. Long­temps le secret le mieux gardé de la Sili­con Valley, TED décoiffe, agace, invente le Salon du XXIe siècle avec TED.com, énorme plate-​forme d’échange d’idées (800 millions de pages vues, en 88 langues); et avec les TEDx, ces 4 400 événe­ments locaux créés en trois ans par des béné­voles. L’une des deux éditions annuelles, TED Global, se tenait à Edim­bourg en juin. Nous y étions.

Article trans­mis par Fran­çoise Vignon

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