Anle138b : une molécule porteuse d’espoir
Publié le 25 septembre 2013 à 16:41Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°54
Un texte de « Parkinson Suisse » n°110 — juillet 2013
Les scientifiques réunis autour d’Armin Giese, de l’université Louis-et-Maximilien de Munich, et de Christian Griesinger, de l’institut Max-Planck de chimie biophysique à Göttingen, ont développé une substance chimique capable de retarder l’évolution du Parkinson dans le cadre d’essais réalisés sur des souris. Un jalon pour la recherche sur parkinson.
Anle138b : cette combinaison de lettres et de chiffres est la sobre désignation d’une substance prometteuse susceptible de révolutionner le traitement médicamenteux de la maladie de Parkinson. En effet, si l’on en croit les résultats des recherches des Prof. Dr Armin Giese et Prof. Dr Christian Griesinger, deux scientifiques allemands, l’existence de la substance « Anle138b » suscite un grand espoir dans le monde entier. Les médecins sont à sa recherche depuis plusieurs décennies. Anle138b a réussi ce qui relevait de l’impossible : elle a stoppé la progression de la maladie de Parkinson chez des souris.
« Les résultats de nos recherches sont prometteurs. Nous espérons qu’Anle138b nous ouvrira les portes du traitement des causes du Parkinson et nous permettra de stopper la maladie ». La joie est perceptible dans les propos du Prof. Armin Giese… Le plaisir de la réussite est au rendez-vous quand on n’abandonne jamais… Avec son équipe, qui a coopéré étroitement avec un groupe de recherche réuni autour du Prof. Griesinger de la division Biologie structurale basée sur les RMN de l’institut Max-Planck de chimie biophysique, il a testé systématiquement plus de 20 000 substances pour déterminer leur aptitude en tant que médicament contre le Parkinson. Cette minutie leur a permis de trouver un candidat prometteur dans la lutte contre la maladie de Parkinson : Anle138b.
Particularité de cette substance : elle empêche que les protéines (matière protéinique), habituellement présentes sous forme de molécules individuelles, s’agglomèrent sous forme d’agrégats. Composé de quelques rares molécules ou de milliers d’entre elles, ce sont eux qui forment, en cas de Parkinson et d’autres maladies neurodégénératives telles qu’Alzheimer ou la maladie de Creutzfeldt-Jakob, des structures irrégulières qui atteignent tous les réseaux neuronaux – et perturbent certaines fonctions du cerveau.
En cas de Parkinson, c’est la molécule alpha-synucléine qui s’accumule. Elle est à l’origine de la formation des corps de Lewy. La formation de ces corpuscules est progressive, ce qui explique pourquoi le Parkinson (comme de nombreuses autres maladies dégénératives) commence insidieusement. Au cours de la phase précoce, seules quelques molécules d’alpha-synucléine s’amassent dans ce que l’on appelle les oligomères. Ces derniers s’agglutinent ensuite en agrégats plus importants, qui continuent de se propager dans le réseau neuronal au fil du temps. Ces agrégats étant très neurotoxiques, les neurones touchés finissent par mourir. Quand les premiers symptômes du Parkinson sont apparents, la plupart du temps plus de la moitié des neurones dopaminergiques de la substance noire sont morts. Par conséquent, les scientifiques cherchent à améliorer les méthodes d’identification précoce de la maladie. En effet, plus tôt l’on observe que les cellules commencent à mourir plus tôt il est possible d’intervenir – dans la mesure où l’on dispose d’une substance qui permet de freine voire de stopper la mort cellulaire. C’est précisément ici que commence le travail des équipes de chercheurs réunis autour d’Armin Giese et Christian Griesinger.
La substance stoppe la progression de la maladie
Avec Anle138b, ils ont développé une substance qui a, dans le cadre de tests sur des souris, retardé dans une mesure encore jamais atteinte la croissance des dépôts protéiniques – et donc la détérioration des neurones, et ainsi prolongé la phase sans maladie. « La particularité de cette nouvelle substance est qu’elle agit directement sur les oligomères et inhibe leur formation », explique le Prof. Christian Griesinger. La clé du succès consistait à combiner les compétences de différentes disciplines spécialisées. Ainsi, des médecins, des biologistes, des chimistes, des physiciens et des vétérinaires ont collaboré pour développer et tester ensemble plus de 20 000 substances actives afin de déterminer si elles pouvaient empêcher la formation de ces dépôts protéiniques typiques de la maladie. Pour ce faire, ils ont utilisé une méthode laser extrêmement sensible, développée il y a plusieurs années par Armin Giese auprès du prix Nobel Manfred Eigen, au sein de l’Institut Max-Planck de chimie biophysique. Plusieurs candidats intéressants figuraient parmi les molécules testées. Une seule substance s’est avérée efficace après d’autres optimisations systématiques.
A partir de cette substance, Andrei Leonov, chimiste de l’équipe du Prof. Christian Griesinger, a finalement réussi à synthétiser un principe actif qui s’est avéré fantastique dans les essais sur des souris : très bien toléré à des doses thérapeutiques, il peut être administré avec la nourriture et est à même de franchir la barrière hématoencéphalique afin d’atteindre un taux d’efficacité élevé dans le cerveau. Depuis la substance a été baptisée (Anle138b : les deux premiers caractères du prénom et du nom d’Andrei Leonov) et une demande de brevet a été déposée.
En forme plus longtemps sur la roue d’exercices
Les chercheurs espèrent à présent qu’Anle138b pourra être utilisée chez l’homme en tant que substance thérapeutique. Comme le montrent des séries d’essais en éprouvettes et sur des modèles expérimentaux, leurs espoirs semblent ne pas être dépourvus de fondement. Les chercheurs ont combiné des méthodes biochimiques et structurales en laboratoire du pôle d’excellence « microscopie à l’échelle nanométrique et physiologie moléculaire du cerveau » (CNMP) de Göttingen. Résultat des essais : la coordination des mouvements des souris parkinsoniennes transgéniques traitées par l’Anle138b est nettement meilleure que celles de leurs congénères malades. « Nous pouvons le vérifier directement à l’aide d’une sorte de test de forme » explique le Prof. Armin Giese. « Pour ce faire, nous plaçons les souris dans une petite roue et nous mesurons combien de temps elles peuvent s’activer. Plus elles y parviennent sans difficulté et longtemps, meilleure est leur forme motrice ». Les essais montrent que d’une manière générale, plus la substance Anle138b leur a été administrée précocement dans l’alimentation, plus le succès thérapeutique est important et plus les animaux vivent longtemps.
Parallèlement aux souris parkinsoniennes, l’efficacité d’Anle138b a été testée sur d’autres modèles animaux. Avec succès, comme l’explique Christian Griesinger : « Dans le cadre de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, des dépôts protéiques pathologiques sont provoqués par la protéine dite prion. Sur des modèles expérimentaux de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, Anle138b empêche tout aussi efficacement l’agglutination des protéines et les souris vivent nettement plus longtemps ».
Au vu de ces résultats positifs, les chercheurs espèrent légitimement qu’Anle138b pourra également empêcher l’agrégation fatale d’autres protéines telles que la protéine tau, associée à l’apparition de la maladie d’Alzheimer. Dans les mois et les années à venir, les scientifiques souhaitent vérifier cette hypothèse à l’aide d’essais sur les modèles expérimentaux correspondants.
Dans le droit fil d’autres recherches
Du reste, les observations des Prof. Griesinger et Giese coïncident parfaitement avec celles d’autres éminents chercheurs. Ainsi, le groupe de Francisco Pan-Montojo, de la clinique Carl Gustav Carus à Dresde, a prouvé que les souris développent des symptômes de type Parkinson quand on leur administre le pesticide roténone dans l’estomac. L’intoxication ainsi provoquée déclenche la formation d’agrégats d’alpha-synucléine, qui migrent le long des voies nerveuses du cerveau. D’autres chercheurs sur le Parkinson tel que le Prof. Dr Heiko Braak à Ulm, le Prof. Mathias Jucker à Tübingen, le chercheur sur les protéines Prof. Michael Przybylski à Constance et le Prof. Markus Otto à Ulm, sont convaincus que le Parkinson est déclenché par de mauvais repliements de protéines. Ils pensent également que s’il existait une méthode pour empêcher le mauvais repliement et la formation d’agrégats de protéines ou de fragments de protéines, elle permettrait aussi de stopper la progression du Parkinson. Dans cette perspective, la substance Anle138b est un outil essentiel pour la recherche médicale. En effet, elle permet aux scientifiques d’examiner directement en éprouvette de quelle manière la substance modifie les oligomères et comment leur agglutination peut être inhibée. Ces observations fournissent des aperçus essentiels sur les mécanismes à l’origine des maladies neurodégénératives.
Le chemin à parcourir jusqu’à l’homme est encore long
Tous les antiparkinsoniens disponibles actuellement se bornent à soulager les symptômes de la maladie. Anle138b, en revanche, pourrait donner naissance à une nouvelle catégorie de neuroprotecteur susceptibles de freiner, voire de stopper l’évolution de maladies telles que le Parkinson. Cependant, les chercheurs préfèrent garder la tête froide. En effet, les résultats sur des rongeurs ne peuvent pas immédiatement être reportés sur l’être humain. Tout d’abord, la toxicité d’Anle138b doit être testée sur des espèces ne faisant pas partie des rongeurs. Les études cliniques sur l’homme ne seront en passe de devenir réalité qu’après le succès de ces essais. Un chemin sur lequel les embûches seront encore très nombreuses
Sources : Cet article repose sur un communiqué de l’institut Max-Planck de chimie biophysique de Göttingen, ainsi que sur la publication originale : Jens Wagner, Sergey Ryazanov, Andrei Leonov, Johannes Levin, Song Shi et al. : Anle138b : a novel oligomer modulator for desease-modifying therapy of neurodegenerative disease such as prion and Parkinson’s disease. Acta Neuropathologica, DOI : 10.1007/s00401-013‑1114‑9 (2013).
Lu par Jean Graveleau graveleau.jean2@orange.fr
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bonjour,
je souhaiterais me procurer cette molécule
j’habite en France dans la drome
Ma mère souffre de cette maladie
quelles démarches je dois effectuer ?
Bien cordialement
Helene TEIXEIRA
Commentaire by TEIXEIRA — 22 juillet 2019 #