Ne pas être qu'un "patient" ...

L’appel des biologistes à soutenir la recherche

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°59

Dans une lettre ouverte, plusieurs socié­tés savantes en biolo­gie alertent Najat Vallaud-​Belkacem, ministre de l’édu­ca­tion natio­nale, de l’en­sei­gne­ment supé­rieur et de la recherche, et Gene­viève Fiaroso, secré­taire d’Etat à l’en­sei­gne­ment supé­rieur et à la recherche, sur l’état de la recherche dans leur disci­pline.

Madame la Ministre, Madame la Secré­taire d’Etat,
Les prési­dents des socié­tés de biolo­gie fran­çaises, réunies à l’oc­ca­sion du congrès inter­na­tio­nal FEBS-​MBO 2014 à Paris, tiennent à rappe­ler l’im­por­tance du soutien de l’Etat à la recherche fonda­men­tale et à atti­rer votre atten­tion sur les points suivants : 

La néces­sité de préser­ver les recru­te­ments scien­ti­fiques (cher­cheurs, ingé­nieurs et tech­ni­ciens) dans les établis­se­ments publics scien­ti­fiques et tech­no­lo­giques (EPTS) comme le CNRS, L’INSERM et dans les UNIVERSITES. La commu­nauté scien­ti­fique se renou­velle en perma­nence et cela dépend large­ment de la déci­sion des étudiants en master (bac + 5) d’en­tre­prendre un doctorat.

Un facteur-​clé dans cette déci­sion est leur percep­tion des possi­bi­li­tés de travailler. En fin de parcours (master + trois-​quatre ans de thèse + pour les cher­cheurs trois ans supplé­men­taires au moins de post­doc­to­rat), d’avoir à la fin un salaire et les moyens néces­saires au travail. Le nombre de postes ouverts est déjà minime. Une réduc­tion supplé­men­taire amène­rait à des « années blanches » pour certaines disciplines.

Les pers­pec­tives actuelles détournent les étudiants les plus brillants des carrières de la recherche scien­ti­fique. Les effets désas­treux à long terme d’une telle poli­tique ont été dénon­cés lors de la session « poli­tique scien­ti­fique en Europe » du congrès FEBS-​EMBO par Mme Helga Nowotny, ancienne prési­dente de l’Eu­ro­pean Research Coun­cil, en évoquant l’im­por­tance de la forma­tion et de l’emploi des jeunes cher­cheurs pour l’ave­nir de la science en Europe, un inves­tis­se­ment majeur qui n’est pas un « robi­net » que l’on peut ouvrir ou fermer, mais un enga­ge­ment à long terme. Or, c’est un atout reconnu de la France que d’of­frir un recru­te­ment pérenne, régu­lier, trans­pa­rent et ouvert à tous (hommes & femmes, Fran­çais & étrangers).

La néces­sité de prendre en compte la spéci­fi­cité de la recherche dans l’ap­pli­ca­tion de la loi Sauva­det. Une appli­ca­tion trop étroite de cette loi crée des situa­tions indi­vi­duelles drama­tiques en privant actuel­le­ment de pers­pec­tives d’emploi stable beau­coup de personnes enga­gées dans le parcours décrit ci-​dessus et nuit à l’éta­blis­se­ment d’une exper­tise scien­ti­fique à long terme dans les labo­ra­toires. La loi limite à six ans l’emploi en CDD dans le secteur public et impose au-​delà un recru­te­ment en CDI. Actuel­le­ment, les admi­nis­tra­tions, dans un souci de limi­ter les créa­tions sauvages de postes sans concours, freinent dès trois ans de renou­vel­le­ment des CDD. Les consé­quences sont délé­tères. Si la restric­tion arbi­traire des CDD persiste alors qu’il y a une quasi-​absence de postes de fonc­tion­naires ou de CDI, la recherche fran­çaise s’arrêtera progres­si­ve­ment faute de cher­cheurs, ingé­nieurs et techniciens. 

La néces­sité d’une augmen­ta­tion du finan­ce­ment des projets scien­ti­fiques. Il est de plus en plus diffi­cile de trou­ver les moyens de finan­cer le travail des labo­ra­toires. Le taux de succès des projets de l’Agence natio­nale de la recherche (ANR) est tombé à 8% cette année pour le programme « blanc » (à thème ouvert, propice à l’émer­gence de projets nouveaux), alors qu’un taux infé­rieur à 15 – 20% oblige à des choix arbi­traires et laisse une grande majo­rité d’équipes sans moyen réel de fonc­tion­ne­ment. Le finan­ce­ment récur­rent des labo­ra­toires est trop dilué pour compen­ser cette dimi­nu­tion radi­cale des moyens de l’ANR pour la recherche fondamentale.

La recherche en biolo­gie moderne est coûteuse. Si rien n’est fait, la recherche scien­ti­fique fran­çaise sera étran­glée dans les années qui viennent. Or, la recherche fonda­men­tale est un inves­tis­se­ment à long terme dont les retom­bées écono­miques et socié­tales ne peuvent pas être toujours planifiées.

Cette réalité est illus­trée dans les recom­man­da­tions du physi­cien Albert Fert, Prix Nobel, dont les travaux ont été essen­tiels pour le déve­lop­pe­ment des mémoires d’or­di­na­teurs : « Il faut lais­ser la recherche fonda­men­tale se dérou­ler, les cher­cheurs suivre leurs idées, en zigza­guant, pour débou­cher sur des décou­vertes et ensuite des appli­ca­tions » (Le Monde, 24 octobre 2007). C’est cette recherche que doit soute­nir un pays dont l’am­bi­tion est de parti­ci­per au concert des nations et de rester une source de progrès et d’in­no­va­tion aux retom­bées écono­miques indis­pen­sables pour le futur. 

Article relevé dans le Monde du 02/​10/​2014
Par Fran­çoise Vignon

Pas encore de Commentaires Cliquer ici pour laisser un commentaire

Laisser un commentaire

XHTML: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Flux RSS des commentaires de cet article. Rétrolien URI

Propulsé par WordPress et le thème GimpStyle créé par Horacio Bella. Traduction (niss.fr).
Flux RSS des Articles et des commentaires. Valide XHTML et CSS.