Deux cuites et une mémoire qui flanche !!!
Publié le 30 décembre 2015 à 09:12Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°63
Alors que le phénomène des bitures express (binge drinking) s’intensifie en Europe et notamment en France, c’est un résultat inquiétant que livre l’équipe des professeurs Olivier Pierrefiche et Mickaël Naassila (Inserm, groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances, université de Picardie). Chez des rats adolescents, deux épisodes rapprochés de binge drinking suffisent à perturber durablement les processus d’apprentissage et de mémorisation, concluent leurs travaux, parus le 6 août dans la revue International Journal of Neuropsychoparmacology.
Cette étude s’intègre dans le projet européen AlcoBinge, qui réunit des chercheurs français et britanniques pour explorer la thématique du binge drinking dans une population étudiante et avec des modèles animaux. En quelques années, le sujet est devenu une affaire de santé publique. En France, parmi les 18 – 25 ans, la proportion de personnes ayant connu une ivresse dans l’année est passée de 33% à 46%, entre 2005 et 2014, selon le baromètre santé de l’Institut national de prévention et l’éducation pour la santé (Inpes).
« Quand nous venons parler des méfaits de l’alcool en milieu scolaire, les jeunes nous rétorquent souvent qu’une cuite par-ci par-là, ce n’est pas dangereux. D’où l’idée de déterminer quels sont les seuils, en fréquence et en dose, qui peuvent induire des troubles de la mémoire » raconte Mickaël Naassila. Une recherche d’autant plus justifiée qu’un épisode de black-out total n’est pas exceptionnel dans les jours qui suivent un binge drinking. « Selon une de nos enquêtes effectuées auprès d’étudiants en médecine, environ un sur deux reconnaît avoir eu des pertes de mémoire après une alcoolisation aiguë » ajoute le spécialiste.
Les chercheurs d’Amiens ont sélectionné des rats âgés d’une cinquantaine de jours, l’adolescence s’étalant, chez ce rongeur, du 30e au 60e jour de vie. Une forte dose d’éthanol leur a été injectée pour provoquer une ascension rapide de l’alcoolémie jusqu’à environ 2g/l, niveau auquel les jeunes humains se retrouvent volontiers aux urgences.
Plasticité synaptique :
L’administration de cette dose a été répétée neuf heures plus tard chez une partie d’entre eux pour reproduire une deuxième ivresse aiguë, proche dans le temps. Dans les 48 heures suivantes, Mickaël Naassila et ses collègues ont évalué les fonctions d’apprentissage avec un test « de reconnaissance » d’un nouvel objet. Ils ont aussi exploré le mécanisme à la base de la mémorisation : la plasticité synaptique. Pour cela, ils ont mesuré, sur des tranches de cerveau, l’activité électrique au niveau de l’hippocampe, une zone cérébrale impliquée dans les processus de mémorisation.
Les résultats sont sans appel. Après une ivresse, la plasticité synaptique des rats est conservée. Mais deux alcoolisations rapprochées entraînent une nette perturbation de la mémorisation pendant 48 heures, avec un retour vers la normale au 8ième jour. La plasticité synaptique est également altérée. « L’apprentissage et le stockage de nouvelles informations se font par des modifications de l’efficacité de la transmission entre neurones. La plasticité synaptique à long terme, qui peut être soit augmentée : potentialisation à long terme (PLT); soit diminuée : dépression à long terme (DLT), détaille Mickaël Naassila. On savait déjà que l’alcool perturbe la PLT, nous avons montré que la DLT est beaucoup plus sensible car complètement abolie, ce qui n’était pas connu. »
Les chercheurs ont, par ailleurs, établi que les effets délétères de l’alcool sur la mémoire passent par le glutamate, un neurotransmetteur, et son récepteur NMDA, ce toxique entraînant une modification d’une sous-unité de ce récepteur. Chez ces animaux de laboratoire, les effets amnésiants de l’alcool ont pu être prévenus par l’administration au préalable de D‑sérine, une molécule aux propriétés promnésiantes (qui favorise la mémoire) Inversement, une injection de kétamine, un anesthésique bloquant le récepteur NMDA, a eu des effets comparables à ceux de l’alcool.
La prochaine fois que l’équipe de Naassila ira faire de la prévention dans les écoles, elle saura quoi répondre aux élèves qui croient encore que les ivresses occasionnelles sont sans conséquences.
Article de Sandrine Cabut du Monde,
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