Pourquoi donc s’intéresser au tube digestif dans la maladie de Parkinson ?
Publié le 17 juillet 2012 à 10:15Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°49 – juin 2012
Il est désormais bien établi que la maladie de Parkinson ne se limite pas à la substance noire (cette région spécialisée dans la production de dopamine) et encore moins au cerveau. En effet, des structures nerveuses situées en « périphérie », c’est-à-dire en dehors du cerveau et de la moelle épinière sont aussi touchées au cours de la maladie de Parkinson. Ces systèmes nerveux périphériques ont pris tellement d’importance ces dernières années qu’un article récent d’une équipe suisse, titrait de façon un peu provocante mais non irréaliste « Maladie de Parkinson : quand le système nerveux périphérique devient central ». Parmi ces systèmes nerveux périphériques, un a été plus particulièrement étudié, il s’agit du système nerveux entérique (SNE). Nous avons des neurones dans notre intestin, en aussi grand nombre que dans la moelle épinière, de l’œsophage au rectum. Ces neurones sont importants pour le transit intestinal et la sécrétion digestive. La complexité du SNE rappelle à certains égards celle du cerveau, ceci explique les surnoms de second cerveau ou de mini cerveau qui lui sont parfois donnés.
Les lésions dans le SNE des patients atteints par la maladie de Parkinson ont été décrites dès les années 1980 en particulier par des équipes japonaises. Ce sont les travaux de Braak, un anatomiste allemand qui ont propulsé le SNE sur le devant de la scène. Braak, a émis l’hypothèse que le SNE était touché de façon précoce au cours de la maladie, bien avant le cerveau. Il a été plus loin en postulant qu’il permettrait à un toxique ingéré ou à un microbe (inconnu jusqu’alors) de gagner le cerveau par le nerf vague, qui assure la jonction SNE-cerveau. Le but de ce court article n’est pas de détailler les arguments pour ou contre l’hypothèse de Braak. Si l’on essaie de résumer, bien que cette hypothèse soit séduisante et que le travail anatomique de Braak soit d’une grande précision, il y a à l’heure actuelle de nombreux arguments contre un scénario qui ferait du SNE une porte d’entrée de la maladie. Ce que l’on sait en revanche de façon certaine, c’est que la quasi-totalité des personnes atteintes de maladie de Parkinson, de 70 à 90%, ont une atteinte du SNE.
C’est ce constat qui nous a amené à étudier le SNE au cours de la maladie de Parkinson à l’Inserm U913 « Neuropathies du système nerveux entérique et pathologies digestives » à Nantes. Nous sommes partis du fait que contrairement au cerveau, les neurones du tube digestif peuvent être analysés facilement du vivant du patient par simple biopsie. Un des « challenge » du laboratoire a été de montrer qu’une simple biopsie de la taille d’un grain de riz(les mêmes pratiquées en routine par les gastro-entérologues pour dépister les tumeurs du colon), obtenue au cours d’une coloscopie ou d’une rectosigmoïdoscopie (coloscopie courte)permettait d’analyser le SNE. Thibaud Lebouvier et Hélène Pouclet (respectivement chef de clinique et interne en neurologie) ont montré qu’une simple biopsie, pour le peu qu’elle soit analysée correctement, contenait près de 150 neurones. En appliquant cette analyse à des personnes touchées par la maladie de Parkinson, nous avons pu montrer que les biopsies permettaient de mettre en évidence les mêmes lésions que dans le cerveau (les fameux corps de Lewy), véritables marqueurs de la maladie. Les patients qui ont pris part à cette étude ont eu par ailleurs une évaluation complète de leur maladie. Ceci nous a permis de montrer qu’il y avait une corrélation entre l’importance des lésions dans le SNE et la sévérité de la maladie : plus les corps de Lewy dans les biopsies étaient nombreux, plus la maladie était sévère, avec en particulier des chutes plus fréquentes. L’analyse du SNE reflèterait donc l’atteinte du cerveau et serait une fenêtre sur l’évolution de la maladie.
Depuis ces premiers résultats, nous continuons nos travaux sur les biopsies de colon de patients parkinsoniens. Nous avons montré que les biopsies permettent de différencier maladie de Parkinson des syndromes apparentés (atrophie multi-systématisée et paralysie supranucléaire progressive) et nous sommes en train d’étudier l’inflammation et la perméabilité du tube digestif au cours de la maladie. Les travaux sur les biopsies sont complétés par d’autres approches. Nous avons développé un modèle de neurones digestifs en culture, qui permet de s’approcher du SNE et nous travaillons sur des modèles animaux de maladie de Parkinson. Ces différentes approches nous permettent de couvrir l’ensemble de l’atteinte digestive au cours de la maladie.
Pascal Derkinderen et Michel Neunlist
Service de Neurologie et Inserm U913 Nantes
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Bonjour, en témoignage. MP et troubles digestifs chez Monsieur de 66 ans diagnostiqué MP depuis 2009. Depuis le début de l’année régime sans gluten. Les troubles se sont considérabement atténués. A poursuivre.
Commentaire by CURSI MOLARI — 20 octobre 2012 #