L’actualité sur les agonistes dopaminergique
Publié le 08 juillet 2011 à 07:33Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°45 – juillet 2011
par le professeur POLLAK, Chef du service de Neurologie des Hôpitaux Universitaires de Genève
d’une classe de médicaments efficaces.
SACHONS LES MAITRISER.
Si vous avez des comportements anormaux ou inhabituels,
il faut absolument en référer au médecin traitant, immédiatement.
Les médias reparlent de procès futurs à propos des effets comportementaux délétères de certains médicaments, en particulier le jeu pathologique qui a ruiné certains patients. Ces patients accusent le laboratoire d’avoir mentionné trop tardivement cet effet indésirable dans le RCP (le résumé des caractéristiques du produit) qui accompagne toutes les boîtes de conditionnement de médicaments.
Le rôle des médicaments
Il est exact que le Requip® (ropinirole), ainsi que les autres médicaments de la même classe, les agonistes dopaminergiques (pramipexole – Sifrol®; piribédil – Trivastal®; pergolide – Célance®; bromocriptine – Parlodel®, Bromokin®; rotigotine — Neupro® …), et, à un moindre degré, la L‑dopa elle-même et l’amantadine (Mantadix®), modifient le comportement et, bien sûr, la fonction motrice.
C’est bien pour cela qu’ils sont prescrits. Mais, comme toute substance active, ils peuvent entraîner des effets indésirables, en particulier les effets liés à un excès d’activité, dû à une dose trop élevée. Il s’agit de troubles comportementaux hyperdopaminergiques, dont nous avons déjà parlé dans la revue1. On peut les rappeler brièvement : hyperactivité, allant parfois jusqu’à des activités compulsives inutiles, même la nuit, addictions alimentaires de type grignotage, augmentation de la créativité, notamment artistique selon les dons de chacun, achats excessifs, état euphorique allant jusqu’à un état maniaque, hallucinations, psychose, comportements hypersexuels parfois déviants – et surtout nouveaux pour le patient (rupture dans l’appétit sexuel et les pratiques, changement de la personnalité), jeu pathologique.
Si certains de ces effets sont perçus très favorablement, comme la diminution de l’anxiété, de l’apathie, l’augmentation de l’activité et de la créativité, d’autres sont redoutables : jeu pathologique et comportement hypersexuel, à cause de leur impact dans la vie personnelle, familiale et sociale des patients.
Au maximum, il s’agit du syndrome de dysrégulation dopaminergique qui inclut en plus d’un trouble du contrôle des impulsions, une addiction à la L‑dopa – le patient dépassant les doses prescrites, son comportement étant constamment tourné vers la recherche des médicaments (craving en anglais).
Il est vrai que l’on sait depuis quelques années que les agonistes dopaminergiques possèdent ces effets mais ils n’étaient rapportés qu’exceptionnellement dans la littérature médicale et de ce fait non signalés aux patients. Il est, en effet, d’usage que les médecins n’exposent aux patients que les effets indésirables fréquents, de façon à anticiper une conduite à tenir c’est-à-dire la prise des mesures adéquates pour les éviter ou les contrôler. Lors d’une consultation, il est non seulement impossible au plan pratique de mentionner l’ensemble des effets survenant exceptionnellement, mais cela serait contre-productif, en affolant inutilement l’immense majorité des patients prenant ce médicament.
Néanmoins, depuis environ 5 ans, dans la littérature médicale et lors des congrès scientifiques il y a eu une multiplication des rapports de cas de patients ayant développé ces troubles du comportement de façon sévère. Les études les plus récentes avancent la proportion d’environ 15% des patients sous médicaments dopaminergiques avec troubles du contrôle des impulsions, dont 5% avec jeu pathologique. Ainsi, l’ensemble du corps médical n’en a pris conscience que récemment.
Le rôle du terrain : quel est le rôle de la maladie dans l’apparition de ces effets ?
On ne sait précisément pas pourquoi certains sujets et non d’autres développent un ou plusieurs troubles comportementaux dopaminergiques. Si l’on fait un parallèle avec les troubles moteurs, on sait que les médicaments dopaminergiques notamment la L‑dopa, peuvent provoquer des dyskinésies d’autant plus facilement que l’akinésie parkinsonienne est sévère. Est-ce que les troubles comportementaux surviennent plus facilement chez les patients dont la maladie de Parkinson s’accompagne d’une apathie, d’une dépression, d’une anxiété sévères ? Des recherches sont en cours pour répondre à cette question, certains arguments vont dans ce sens.
Les hallucinations et la psychose, les sensations de perception anormales, peuvent subvenir sans médicament dopaminergique. C’est le cas en particulier des formes avancées de maladie de Parkinson chez le sujet âgé lorsqu’il existe un déclin cognitif. De même, un petit pourcentage de la population est joueur pathologique ou présente des déviances sexuelles sans qu’ils n’aient pris des médicaments dopaminergiques. Quels sont les facteurs associés à ces comportements, notamment d’ordre génétique ? Ces sujets sont-ils plus à risque d’aggraver de tels symptômes s’ils prennent des agonistes dopaminergiques même à faible dose ? Cela aussi est un sujet de recherche.
Les facteurs déjà reconnus faisant qu’un patient est plus à risque de développer un trouble du contrôle des impulsions sous agonistes dopaminergiques sont les suivants : sexe masculin, âge jeune et début de la maladie de Parkinson à un jeune âge, antécédents de troubles du contrôle des impulsions avant la maladie de parkinson, antécédents personnels ou familiaux d’addiction (toxicomanie), de dépression ou troubles bipolaires et traits de personnalité caractérisés par une haute impulsivité et la recherche de nouveautés.
Quels conseils donner à tous les patients parkinsoniens qui prennent des médicaments ?
Il s’agit de prescrire ces médicaments de façon à maximiser le bénéfice – amélioration de la motricité, diminution de l’apathie et de l’anxiété, diminution des impatiences motrices des membres inférieurs… – et à minimiser les effets indésirables, notamment psycho-comportementaux.
Le rôle des soignants est donc d’évaluer très précisément ces effets. Le rôle du patient et de l’entourage devient alors capital car ce sont eux qui renseignent le mieux sur le début d’une modification d’un comportement en référence à la personnalité antérieure du patient.
Les doses et les types de médicaments seront ajustés pour réaliser l’objectif de la poursuite au long cours d’une vie la plus proche possible de ce qu’elle était avant l’apparition de la maladie y compris au plan affectif et comportemental.
4 conseils fondamentaux
- L‑Dopa et agonistes dopaminergiques ont une efficacité prouvée sur l’état moteur du parkinsonien.
- Néanmoins, à doses excessives, chez certains patients, les agonistes dopaminergiques et, dans une moindre mesure, la L‑Dopa, peuvent entraîner des troubles comportementaux redoutables : compulsions d’achat, addiction au jeu, hypersexualité…mettant en danger la vie personnelle et familiale du patient.
- Si vous ou votre entourage remarquez un changement de votre comportement, voire de votre personnalité, signalez-le immédiatement à votre médecin traitant. Ne laissez pas s’installer un déséquilibre dans votre vie. Un ajustement de dose est nécessaire.
- Attention, toute modification de traitement ne peut se faire que sur avis médical.
La maladie de Parkinson n’a jamais été aussi bien traitée, et cela essentiellement grâce aux médicaments. Avant les traitements dopaminergiques, le handicap du patient parkinsonien était considérable, le recours au fauteuil roulant fréquent après peu d’années et l’espérance de vie était fortement abrégée. Aujourd’hui, la majorité des patients parkinsoniens vivent avec peu de gêne pendant de nombreuses années, une incapacité sévère ne survient que chez certains patients surtout à un âge avancé, et l’espérance de vie n’est que légèrement inférieure à celle de la population générale.
Un patient ne doit pas arrêter son traitement sans avis médical.
Il est en effet rapporté des risques importants lors de cas de sevrage brutal de traitement antiparkinsonien, par exemple en cas d’hospitalisation pour d’autres motifs que la maladie de Parkinson. Ce sevrage peut entraîner une crise d’hyperparkinsonisme avec akinésie et rigidité sévères (les enzymes musculaires augmentent dans le sang et des molécules d’origine musculaire peuvent bloquer les reins), élévation de la température, trouble de conscience et troubles végétatifs avec hypersudation, altérations respiratoires et cardio-vasculaires pouvant mettre la vie en danger. Tout parkinsonien traité depuis longtemps doit absolument continuer à prendre une dose minimale journalière de 300 mg de L‑dopa. Le sevrage dopaminergique peut, au bout de quelques semaines, provoquer un handicap sévère et irréversible, voire entraîner la mort.
Lu et repris par Pierre LEMAY
3 Commentaires Cliquer ici pour laisser un commentaire
Laisser un commentaire
Flux RSS des commentaires de cet article. Rétrolien URI
Propulsé par WordPress et le thème GimpStyle créé par Horacio Bella. Traduction (niss.fr).
Flux RSS des Articles et des commentaires.
Valide XHTML et CSS.
Bonjour, sur recommandations de mon Neurologue je prends du Mantadix 100 depuis 2 mois à raison de 2 fois par jour. J’ai un quotidien infernal avec parfois 5 h de dyskinesie par jour ! Je pense que ce médicament à multiplié mes d yskinesies. Depuis quelques jours, je prends un seul comprimé et ces mouvements incontrôlables ont diminué. … incroyable tout de même ! Cela me fait peu . Je suis sous Modopar.
Merci de votre attention.r
Commentaire by Marie France Deguiraud — 13 octobre 2016 #
Le problème , c’est que le jeu pathologique ( argent, pouvoir, sexe) auto alimente une sensation de puissance dans une sorte de spirale auto destructrice et on peut se demander dans quelles mesures certains de nos dirigeants planétaires ne sont pas des parkinsonniens à effets secondaires ..
Commentaire by Jean Gron — 13 octobre 2011 #
Je vous remercie d’avoir relayé cette information très intéressante.
Je suis surprise de voir que le Pr Pollak lisse autant son discours. Il a fait des travaux très importants et intéressants en faveur de la reconnaissance des troubles comportementaux impulsifs. Toutefois, dans son article, il ne renvoie qu’à la responsabilité des patients et de leur entourage dans la détection des troubles. Cela ne suffit pas.
Pour avoir été confrontée aux troubles l’an passé, soit 10 ans après la conférence de consensus sur les troubles, soit 4 ans après l’inscription des effets indésirables sur les notices d’information et soit 1 an après les recommandations de l’AFSSAPS sur la conduite des médecins à adopter en cas de troubles, je me suis heurtée au corps médical qui niait lesdits troubles… et les expliquait par le déclin cognitif.
A quoi ça sert de se focaliser sur les prédispositions face à des faits indéniables : la disparition ou réduction des troubles dès la décroissance posologique ou le retrait de certains agonistes dopaminergiques ?
Commentaire by Aurélie — 8 juillet 2011 #