Le succès thérapeutique est aussi un état d’esprit
Publié le 27 mars 2014 à 08:20Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°56
Les médecins expérimentés le savent : la disposition personnelle, la confiance dans l’efficacité des médicaments et des mesures prescrites, ainsi que l’interaction harmonieuse entre le médecin et le patient sont décisives pour le succès de tout traitement.
Les chercheurs sur le cerveau prouvent scientifiquement ce phénomène.
La nouvelle a fait l’effet d’une bombe dans les cercles de neurologues (mais pas seulement) : « Les placebos sont aussi efficaces que les médicaments dopaminergiques chez les patients parkinsoniens ! » Tel était le titre du célèbre magazine spécialisé Science en 2001. Dans cette publication, les chercheurs de l’équipe de Raül de la Fuente-Fernandez, Université de Colombie britannique à Vancouver, ont présentés une découverte étonnante : ils ont administrés des placebos (du latin : « je plairai ») à des patients parkinsoniens et les symptômes des patients se sont rapidement améliorés, aussi fortement qu’après la prise d’une dose de médicament dopaminergique. Un fait qui en soit n’a rien de sensationnel : dans l’antiquité, les chamanes connaissaient déjà les effets positifs des placebos ! La médecine occidentale moderne en tient compte également. Toutefois, les chercheurs canadiens ont réussis pour la première fois à décrypter l’effet placebo.
En effet, dans le cadre d’essais, ils ont scanné le cerveau des sujets à l’aide de la technique de tomographie par émissions de positons (TEP Scan). Ils ont observé que peu après l’administration des placebos, une activation de la substance noire se produit et intensifie la libération de dopamine. De toute évidence, les placebos ont non seulement un effet sur la psyché, à savoir le ressenti subjectif, mais également sur le plan physiologique, car ils influencent les processus biochimiques dans l’organisme. Pour résumer : les placebos agissent bien qu’étant dépourvus de substances actives, de la même manière que les « vrais » médicaments.
Depuis, les groupes de chercheurs du monde entier se penchent sur l’effet placebo – avec des résultats parfois surprenants. Ainsi, au mois de mai 2004, le chercheur sur le cerveau et médecin turinois Fabrizio Benedetti a fait fureur avec une publication dans le magazine spécialisé Nature Neuroscience (en ligne). Il a injecté de la solution saline dans le cerveau de patients parkinsoniens – en leur assurant qu’il s’agissait d’un antiparkinsonien. Après l’injection, la mobilité et les tremblements des patients se sont nettement améliorés. En effet, la simple attente positive de recevoir un médicament efficace suffit au cerveau pour libérer davantage de dopamine – qui compte parmi les hormones du bonheur.
« Sans substance active » n’est pas synonyme d’« inefficace ».
Il est devenu indiscutable que les placebos sont bien davantage que des médicaments « vides ». Ils représentent une médecine « mentale », composée de communications et d’actes susceptibles d’attiser suffisamment l’expectative positive d’un patient pour déclencher une réaction physiologique souhaitée dans le cerveau.
Les chercheurs de Düsseldorf autour du neurologue Lars Wojtecki ont même démontré récemment que c’était possible sans pilule ni injection (Deutshlandfunk, août 2013). Ils ont examiné chez des patients qui avaient subis depuis un certain temps une stimulation cérébrale profonde (SCP) si leur mobilité pouvait être améliorée ou aggravée simplement par la foi en son efficacité. Pour ce faire, les chercheurs ont déclenché des attentes clairement définies uniquement par des mots : ils ont annoncé (avec des textes normalisés) aux sujets qu’ils allaient modifier les paramètres de stimulation de la SCP pour influencer positivement ou négativement leur motricité. Par exemple : « Nous modifions la stimulation pour vous permettre de mieux bouger les mains. » En réalité, la stimulation n’était pas changée. Résultat de l’essai : quand les chercheurs ont suscité une expectative positive, la mobilité s’est améliorée, notamment lors de la rotation des mains. En cas d’attente négative, la mobilité s’aggravait.
Ils ont ainsi pu démontrer que, comme l’administration de pilules ou d’injections factices, une suggestion purement verbale suffit à créer une attente positive si forte qu’un effet placebo apparaît. Mais ce n’est pas tout : lors des essais des chercheurs allemands, les effets secondaires typiques de la SCP, par exemple l’aisance verbale légèrement moins fluide, se sont renforcés. Plus la mobilité des patients était bonne, plus les mots leur venaient lentement à la bouche. Les médecins n’avaient pas du tout informé les patients de ces possibles effets secondaires de la SCP au préalable.
Les chercheurs ont imputé ces effets épatants à un processus inconscient, vraisemblablement de conditionnement. En effet, les patients avaient déjà été stimulés pendant quelques mois avant les essais et s’étaient donc (inconsciemment) habitués à perdre légèrement leur faculté du langage pendant les phases de très bonne mobilité. Dans l’expectative positive suscitée par les chercheurs, ils ont, de manière inconsciente également, pu produire cet effet indésirable.
Ami ou ennemi, l’esprit est puissant.
James Sulzer et Roger Gasser, tous deux ingénieurs dans le laboratoire des sciences de la réadaptation de l’ETH de Zurich, ont fait des observations similaires (Horizonte, juin 2013). Ils ont réussi à faire augmenter ou diminuer volontairement l’activité nerveuse de la substance noire par des sujets sains. L’astuce : le « neurofeedback ». Ce terme désigne des essais durant lesquels les sujets reçoivent un retour direct sur leur activité cérébrale, qui est mesurée toutes les deux secondes au moyen de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle. MM. Sulzer et Gasser ont demandé aux sujets de penser pendant 20 secondes à quelque chose de neutre, puis pendant 20 secondes à quelque chose de positif comme un bon repas, une expérience romantique ou à des plaisirs sexuels. Ce faisant, ils voyaient monter une balle jaune sur un écran à mesure que du sang oxygéné était mesuré dans la région de la substance noire – en d’autre terme, plus elle était active. L’objectif était de faire grimper la balle le plus haut possible. Et, en effet, avec un peu d’entraînement, les sujets ont bel et bien réussi, bien que brièvement, à faire progresser la balle vers le haut par la seule force de représentations « heureuses ».
Toutes les études de recherche sur le cerveau prouvent à quel point notre esprit est puissant ! Il est ainsi évident que notre disposition interne peut également influencer le succès d’un traitement médicamenteux à proprement parler – et ce en bien comme en mal.
Si un patient est favorable à la thérapie prescrite par le médecin, s’il croit en sa pertinence et en son efficacité, le succès thérapeutique sera relativement grand. En revanche, s’il doute des bienfaits du traitement, ce dernier aura très probablement des effets négatifs. Et si le patient a très peur des éventuels effets secondaires, la probabilité qu’ils se manifestent augmente considérablement. On qualifie cet effet de nocebo (en latin « je nuirai »), car il agit négativement.
Grands espoirs, efficacité maximale
L’intensité de l’effet placebo ou nocebo est directement proportionnel à l’intensité de l’expectative suscitée auparavant. C’est ce qu’ont pu démontrer des chercheurs autour de Jon Stoessl, université de la Colombie Britannique à Vancouver, à l’aide d’une stratégie d’essais extrêmement astucieuse (Archives of General Psychiatry, vol. 67, page 857, 2010) : ils ont réparti des patients souffrant d’un Parkinson modéré dans quatre groupes. Ensuite, ils leur ont dit que chaque groupe allait recevoir avec une probabilité de 25, 50, 75 ou 100% la L‑Dopa interrompue quelque temps auparavant – et non un placebo. Cependant tous les patients ont reçu une substance inactive.
Résultat : chez les patients qui s’attendaient à recevoir de nouveau leur traitement habituel avec une probabilité de 25 ou de 50%, la motricité s’est améliorée faiblement à modérément. Dans le groupe des 75% en revanche, les capacités motrices se sont fortement améliorées. Chez ces patients, la libération de dopamine la plus forte a été mesurée dans le mésencéphale.
Quant aux patients du groupe des 100%, ils n’ont pas du tout réagi. Contradiction ? Pas du tout ! En effet, on sait grâce à la recherche sur l’apprentissage que les attentes suscitées sont les plus importantes quand un succès est très probable, mais pas tout à fait certain. Si le succès est assuré, le résultat est déjà connu au préalable – et ne laisse place à aucune expectative.
Quelles sont les répercussions pratiques ?
Transposés dans le domaine des « vrais » médicaments, ces résultats de recherche impressionnants signifient que plus les espoirs placés par un patient dans la thérapie prescrite sont grands, plus la probabilité qu’elle agisse efficacement est élevée. Si tel est le cas, le patient jouit d’une meilleure qualité de vie. Et la confiance dans le traitement augmente.
En clair, un médecin doit d’abord bien « vendre » le traitement à son patient – quand bien même son efficacité serait prouvée sans aucun doute. Il est nécessaire qu’il prenne en tout premier lieu le temps d’aborder personnellement chaque patient, de bien le connaître et de créer une atmosphère de confiance. Il peut, ensuite, par des questions approfondies, découvrir ce qui lui pose le plus de problème actuellement (sa souffrance). Ce n’est qu’ainsi que les priorités pourront être définies correctement et que le médecin pourra – après consultation et bien sûr toujours avec l’accord du patient – aborder de manière ciblée et efficace les troubles les plus graves. Par ailleurs, le médecin doit toujours porter un regard positif sur l’avenir – honnêtement sans enjoliver la réalité, mais sans oublier non plus les nombreuses petites choses qui rendent la vie belle malgré le Parkinson. Les conseils sur les moyens auxiliaires et les mesures qui peuvent aider au quotidien en font partie.
Médecins, thérapeutes et soignants doivent penser différemment.
Pour autant, le médecin n’est pas le seul à avoir une influence décisive sur l’efficacité des mesures prescrites de par sa personnalité, son approche personnelle et sa communication avec le patient. Les thérapeutes et les soignants doivent également se tenir au courant des découvertes neuroscientifiques – afin de connaître les répercussions du Parkinson sur la vie et le comportement des personnes concernées, et de mieux comprendre les patients. Ce n’est que lorsque les spécialistes peuvent considérer la situation avec un bon angle d’observation (neuroscientifique) qu’ils peuvent percevoir et interpréter correctement les phénomènes visibles, mais également les signes cachés. En effet, une maladie chronique comme le Parkinson concerne toujours l’individu dans son intégralité, elle a des conséquences physiques, mais aussi sociales et mentales. Les médecins, les soignants et les thérapeutes doivent donc penser et agir de manière holistique.
Important : le patient doit être impliqué le plus activement possible dans tous les actes et toutes les mesures. De cette manière, il peut se confronter à son environnement – ce qui donne un sens à son quotidien et matière à son existence. En effet, la forme physique est étroitement liée à la forme mentale – et toutes deux doivent être entraînées conjointement. C’est ce que prouvent des études actuelles, dont les résultats viennent d’être présentés lors du congrès allemand des neurologues. Ainsi un entraînement purement cérébral ou purement physique permet uniquement, avec l’âge, de conserver la cognition. Si l’on combine les deux types d’entraînement, la performance intellectuelle peut être considérablement accrue. Autrement dit, une promenade dans la nature, avec de nombreuses impressions sensorielles et sur un sol inégal, est plus efficace qu’un jogging dépourvu de sens sur un tapis de course.
De plus, toutes les mesures doivent être orientées vers le quotidien. En effet, quel est l’intérêt pour le patient qu’il soit sûr de lui sur le sol plat d’un gymnase, mais trébuche, voire chute régulièrement quand il marche sur l’asphalte ? Heureusement, la réadaptation moderne en cas de Parkinson a désormais à sa disposition des outils prometteurs. Parallèlement au concept thérapeutique LSVT-BIG, qui mise sur des mouvements grands et amples, ou à l’entraînement à la motricité d’après la kinesthésie, des idées astucieuses issues de l’ergothérapie sont intégrées de plus en plus souvent aux mesures employées – avec pour objectif la plus grande autonomie possible au quotidien. De plus, les traitements, qui visent une large autonomie, aident les personnes concernées à jouir d’une grande qualité de vie. Et c’est précisément ce but qui doit être central.
Lu dans « Parkinson Suisse » n°112 décembre 2013
Par Jean Graveleau
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