La nicotinothérapie par nicotine à l’état pur transdermique (NEPT) pour la maladie de Parkinson et autres maladies neurodégénératives et de la neurotransmission (démences). Observations cliniques après 14 ans
Publié le 26 mars 2015 à 09:53Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°60
Dr Gabriel VILLAFANE — Neurologue
Hôpital Henri Mondor Créteil — Hôpital Lionel Vidart Créteil
En 1998, le rapport entre le syndrome parkinsonien (seul ou induit par des neuroleptiques) et la nicotine est évident.De là, l’idée de donner pour la première fois de la Nicotine à l’État Pur aux parkinsoniens sous forme de dispositif Transdermique (NEPT).
A ce moment-là, on ignore que la NEPT a la propriété de se fixer sur des récepteurs nicotiniques et des récepteurs dopaminergiques (augmentation de la dopamine) entraînant ainsi l’amélioration des symptômes dans la maladie de Parkinson.
Ensuite des travaux montrent que la NEPT agit aussi sur la capacité de multiplier les récepteurs nicotiniques comme certains autres médicaments.En conséquence, le bénéfice est accru pour les neurones dopaminergiques chez le patient parkinsonien.
La nicotine rappel C10H14N2
La nicotine est un alcaloïde extrait du tabac.C’est une amine tertiaire composée d’un cycle pyrimidique et d’un cycle pyrolidinique.Elle a un poids moléculaire de 162 Da.Elle est volatile et incolore.Elle est liposoluble (facilitant son absorption) et hydro-miscible.Elle est présente sous forme ionisée en milieu acide et non ionisée en milieu alcalin.Une cigarette contient environ 0,5 à 1 mg de nicotine.
Différence capitale entre la nicotine du tabac et la nicotine des dispositifs transdermiques
Il s’agit de la même molécule de base NEPT, mais c’est son mode de pénétration dans le corps qui diffère.
Action positive, rapide mais éphémère avec le tabac fumé (cigarette, pipe…).La nicotine entre très rapidement par le système bronchiale pulmonaire puis rejoint le système vasculaire pulmonaire et une fois dans le flux sanguin, arrive au cerveau en quelques secondes et imprègne les récepteurs dopaminergiques et les récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine.
Action positive, plus lente, durable (24 heures) avec les dispositifs transdermiques.
Elle se diffuse très lentement par la voie veineuse en passant par la peau dans des zones où il y a suffisamment de graisse sous-cutanée.Elle gagne ensuite le flux sanguin, puis le cerveau.
L’unique différence, qui est capitale, est que les dispositifs transdermiques permettent d’absorber seulement de la nicotine, alors que la fumée du tabac contient également 4000 substances toxiques et induisant la dépendance, et des maladies mortelles, accidents vasculaires, accidents vasculaires cérébraux, infarctus du myocarde et tous types de cancers en commençant bien entendu par les cancers des voies respiratoires.
Mode d’action de la nicotine à l’état pur transdermique (NEPT)
Les mécanismes d’action de la NEPT sont les mêmes pour les maladies neurologiques et neurodégénératives centrales et périphériques.
- sous-unité alpha 4 et beta 2 maladie Parkinson
- Sous-unité alpha 7 maladie Alzheimer
Les sous types de récepteurs alpha 4, béta 2 et alpha 7 ont une action cholinergique.
A noter qu’alpha 7 a une action plus importante également sur la fonction de l’acétylcholine (site de liaison de l’acétylcholine).
Récemment découvert, Alpha 6 a une action cholinergique très modérée voire anti cholinergique qui nous amène à penser qu’il agit sur la neuromodulation au niveau de la synapse des neurones.
Principales interactions entre l’acétylcholine, la dopamine et les autres transmetteurs
Rôle cholinergique de la NEPT
1/ La neurotransmission
La nicotine à l’état pur est un neurotransmetteur qui intervient au niveau de la synapse neuronale, des récepteurs de la dopamine dans le cas de la Maladie de Parkinson et des récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine dans le cas de la Maladie d’Alzheimer.
Dans la MP, la nicotine transdermique se fixe sur le récepteur de la dopamine en se multipliant et en donnant une action pré et post synaptique beaucoup plus forte et adaptée au niveau de la neurotransmission de la dopamine et des autres médiateurs comme par exemple la sérotonine.
La muscarine a une action juste pré synaptique.
Concernant les démences, notamment celles associées à la MP, la NEPT intervient au niveau de la neurotransmission en favorisant la libération des glutamates dans le système glutaminergique et par la suite, l’amélioration de la neurotransmission pré et post synaptique du glutamate en agissant sur les récepteurs NMDA (N‑Méthyl-D-Aspartate)
2/ La neuromodulation
La nicotine est un neuromodulateur des neurones du système nerveux central.
Dans la MP, elle met en route les récepteurs de la dopamine.Donc l’action neuromodulatrice de la nicotine permet aux autres catécholamines de retrouver leurs fonctions normales, leurs places anatomiques et physiologiques et ce, en quantité suffisante.
Une neuromodulation s’installe c’est-à-dire qu’il y a restockage au niveau du système nigrostriatale des autres neurotransmetteurs et par conséquent, on observe un fonctionnement de ce système proche de la normale au fur et à mesure du traitement au long cours.
La NEPT agit sur les canaux ioniques comme neuromodulateur surtout sur celui du sodium et du potassium, notamment dans l’épilepsie provoquant ainsi leur ouverture modérée.Le système glutaminergique n’a pas d’action extrême, ni excitation, ni inhibition (épilepsie).
3/ La neuroprotection
La neuroprotection est déjà confirmée chez l’animal et bientôt chez l’être humain.Il y a ralentissement de l’évolution morbide de la MP et hypothétiquement (logique pharmacologique réelle) des autres maladies neurodégénératives qui touchent à la neurotransmission centrale et périphérique (Sclérose en Plaques, Sclérose Latérale Amyotrophique, maladie de Charcot-Marie-Tooth, maladie de Huntington, certaines myasthénies et autres maladies qui touchent la plaque neuromusculaire au niveau de la jonction neuromusculaire où se situent de nombreux récepteurs de la nicotine.
Les observations cliniques et d’imagerie (DAT-Scan) montrent que la maladie a un ralentissement significatif de son évolution à partir du traitement par la NEPT.Ci-après, images du cerveau avant et après traitement sous NEPT

G1 avant, G2 12 mois après début du traitement
Résultat Dat SCAN
G1 : hypofixation du traceur, franche et bilatérale au niveau des putamens ; modérée pour le noyau caudé droit témoignant d’une perte dopaminergique.
G2 : Par rapport à G1, apparition d’un petit foyer fixant le transporteur de la dopamine en dessous de la face postéro-latérale du noyau caudé droit, dans la région du putamen.Les noyaux caudés paraissent d’aspect moins asymétrique.

R1 avant R2 6 mois après le début du traitement.
Résultat Dat SCAN
R1 : franche hypofixation striatale gauche, hypofixation du putamen droit.Nette asymétrie des noyaux caudés.Cet aspect témoigne d’une perte dopaminergique importante surtout à gauche.
R2 : par rapport à R1, légère augmentation de la fixation au niveau des noyaux caudés qui paraissent d’aspect moins irrégulier et moins asymétrique.
Ce sont des arguments très forts pour confirmer l’hypothèse de l’action neuroprotectrice de la NEPT, à savoir le ralentissement des symptômes, voire l’arrêt de l’évolution de la maladie et par conséquent la diminution du traitement antiparkinsonien (surtout la L Dopa thérapie journalière).
4/ Sécrétion de facteurs neurotrophiques
Des facteurs neurotrophiques sont secrétés à partir de l’administration de la nicotine à l’état pur, améliorant la neuroprotection
- GDNF (glial cell derived neurotrophic factor) dans la Maladie de Parkinson
- BDNF (brain-derived neurotrophic factor)
- CNTF (ciliary neurotrophic factor), la NT‑3 (neurotrophin‑3)
5/ Action tri canaliculaire
La nicotine agit sur les canaux ioniques par le biais de l’action tri canaliculaire.La NEPT agit comme un agoniste dopaminergique indirect en multipliant le nombre de récepteurs nicotiniques et en ouvrant les canaux calciques des neurones permettant ainsi une meilleure transmission dopaminergique dans la MP, et de l’acétylcholine dans la MA et en ouvrant les canaux du sodium et du potassium dans l’épilepsie.
Les effets
Dans 90 à 95% des cas, la NEPT est administrée à haute dose et de façon chronique.Dans 5 à 10% des cas, il faut également l’administrer de façon chronique mais à des doses moins importantes.Il s’agit
- des patients qui ont une diminution des récepteurs nicotiniques centraux et périphériques
- des patients qui présentent une intolérance à la nicotine comme à d’autres types de médicaments en général
- des patients peu réceptifs à la L‑Dopa.
La nicotinothérapie a une action positive pour la majorité des patients parkinsoniens
- qui présentent la forme Akineto-Rigide
- qui ont des dystonies et des dyskinésies très importantes Score Obeso III à IV
- qui ont des tremblements purs de repos classés I et II dans l’échelle UPDRS III (moteur).
Il n’est pas exclu de trouver des sujets parkinsoniens plus ou moins réactifs à la molécule de nicotine comme à d’autres médicaments.Même si l’on n’obtient pas d’amélioration pour ces cas, il est positif de donner des petites doses adaptées au sujet pour avoir au moins la sécrétion d’un facteur neurotrophique GDNF (glial cell derived neurotrophic factor) afin que la maladie puisse ralentir son évolution.Ainsi, même avec de faibles doses de nicotine, une action neuroprotectrice peut être assurée.
On a constaté une diminution de la tension artérielle maximale sous NEPT à doses moyennement hautes.Pour les patients parkinsoniens en sous tension orthostatique, il faut ajouter à la nicotinothérapie des hypertenseurs qui vont équilibrer la tension.
Après l’étude pilote réalisée auprès des parkinsoniens sous NEPT à hautes doses et à long terme, et avec la participation des angiologues, cardiologues, pharmacologues, on a observé sous laser que les capillaires des vaisseaux des petites et moyennes artères ont une vasodilatation très importante, ce qui implique une meilleure irrigation de tous les tissus du corps (comme la peau), et une amélioration de la microcirculation au niveau des artères cérébrales et des autres organes qui dépendent des petites artères.
Jusqu’à ce jour, on n’a pas constaté d’aggravation de la MP chez les patients sous nicotinothérapie, ni cliniquement, ni à l’imagerie.On peut imaginer, aujourd’hui qu’il en va de même pour les autres maladies neurodégénératives dont celles d’Alzheimer, PSP, démence à corps de Lewy,…
Au bout de 4 à 8 mois de traitement
- on peut diminuer les traitements antiparkinsoniens, de 50% en ce qui concerne la dopamine (L‑Dopa)
- on peut diminuer ou continuer les Agonistes Dopaminergiques selon le cas puisqu’ils ont un effet synergique avec la nicotine pour la majorité des cas.
Grâce au Pet-Scan F 18, puis au Dat-Scan I 123, on a constaté
- une diminution physiologique des récepteurs nicotiniques chez des sujets sains, âgés de 65 à 95 ans qui va éventuellement entraîner de façon indirecte un syndrome parkinsonien physiologique nommé syndrome parkinsonien sénile
- chez les sujets atteints la diminution pathologique des récepteurs nicotiniques est très importante bien avant le diagnostic de la maladie.
Si on parvient, grâce à l’imagerie à bien préciser le nombre de récepteurs dopaminergiques pour la MP, et des récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine pour la MA, non fonctionnels ou dégénérés, on pourra
- A — situer la date exacte du début de la maladie pour un Parkinson déclaré.On peut envisager de mieux adapter la dose exacte et le temps du traitement nicotinique.
- B — prévoir le moment de la déclaration de la maladie pour les patients jeunes et asymptomatiques potentiellement suspects de déclarer une MP ou une autre maladie neurodégénérative.
La NEPT pourrait avoir un rôle préventif et être utilisée chez les sujets sains, ainsi que chez les sujets qui ont une prédisposition familiale à développer une MP ou autres maladies neurodégénératives, en multipliant le nombre de récepteurs nicotiniques, et ainsi repousser les symptômes et retarder l’apparition de la maladie.
Observations
Les symptômes améliorés par la nicotinothérapie observés dans Nicopark 1 chez 6 patients en 2007 (Europe of neurology) sont par ordre chronologique Dystonie, dyskinésie, hypokinésie, akinésie, rigidité
- mémoire pour la forme Parkinson-Démence Plus tardivement
- tremblements de repos pur – modéré (I‑II score UPDRS moteur)
- symptômes neurovégétatifs (hypotension orthostatique, constipation, salivation…)
La tolérance à la NEPT est acquise dans la majorité des cas.Dans la minorité des cas les symptômes possibles (anxiété, hypersexualité, nausées à doses hautes, rares vomissements, tension artérielle surtout systolique, hypotension Orthostatique) sont facilement corrigeables.
Conclusion
Par conséquent, en appliquant la NEPT de façon précoce à titre préventif ou thérapeutique, on pourrait retarder au maximum l’apparition des symptômes de la maladie de Parkinson, ou arrêter leur évolution.Hypothétiquement on peut imaginer dans une logique purement scientifique et pas encore démontrée que dans un futur proche les chercheurs pourront développer des protocoles pour les autres maladies neurodégénératives, notamment, la Paralysie Supranucléaire Progressive (PSP), la démence à Corps de Lewy, l’Atrophie Cortico-Basale, la Sclérose en Plaques, la Sclérose Latérale Amyotrophique, et autres types de démences comme Parkinson Démence, maladie d’Alzheimer.
Une prise en charge anticipée de la maladie de Parkinson aurait pour conséquences
- une diminution du nombre des malades dépendants (non autonomes dans les gestes de la vie quotidienne) selon la date d’apparition des symptômes
- une diminution des traitements dispensés (invasifs et médicamenteux classiques)
- une diminution du coût financier pour la Sécurité Sociale (souci actuel compte tenu l’allongement de l’espérance de vie qui entraîne l’augmentation globale de la population saine, et bien évidemment des sujets malades qui génèrent des dépenses de santé au long cours.
Gabriel Villafane
Mise en forme jean Graveleau
Bibliographie
[1]Villafane G, Cesaro P et al.: Chronic high dose transdermal nicotine in Parkinson disease : an open trial. European Journal of Neurology 2007 ; 14(12):1316 – 6
[2]Itti E, Villafane G, Malek Z, et al.: Dopamine transporter imaging under high-dose transdermal nicotine therapy in Parkinson’s disease : an observational study.Nucl Med Commun2009 ; 30:513 – 8.
[3]Daniel SE, Lees AJ transdermal nicotine therapy in Parkinson’s disease : an observational study. Nuclear Parkinson’s disease Society Brain Bank, London : overview and research J.Neural Transm Suppl 1993 ; 39:165 – 172
[4]Fahn S, Elton RL, UPDRS Program Members.Unified Parkinson’s disease rating scale.In : Fahn S, Marsden CD, Goldstein M, Calne DB, editors.Recent developments in Parkinson’s disease, Vol.2.Florham Park, NJ : Macmillan healthcare information ; 1987.p 153 – 163.293 – 304
[5]Hoehn MM, Yahr MD.Parkinsonism : onset, progression and mortality.Neurology 1967 ; 17:427 – 442 : 18th International Congress of Parkinson’s disease and Movement Disorder’s Stockholm — 8 – 12 June 2014
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