Maladie de Parkinson : le traitement les rend accro au sexe
Publié le 03 juillet 2015 à 07:43Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°61
C’est un effet secondaire potentiel des traitements antiparkinsoniens, aux conséquences dramatiques dans une vie de couple, que des psychiatres et neurologues décrivent dans le numéro daté de mars 2015 de la revue La Presse Médicale. Le Dr Pierre Grandgenevre et ses collègues du CHRU de Lille se sont intéressés à l’impact de l’hypersexualité sur l’entourage d’un patient atteint de maladie de Parkinson. Résultat d’une incapacité à résister aux impulsions, ce trouble du comportement sexuel, affecte, selon les études, entre 2,6% et 7,2% des patients atteints de maladie de Parkinson.
Des psychiatres ont proposé à des hommes souffrant de maladie de Parkinson, et chez lesquels des neurologues avaient découvert ou suspecté une hypersexualité, de les rencontrer en présence de leur conjointe. Sept patients ont accepté, dont six étaient accompagnés de leur compagne.
Les entretiens ont montré que les malades parkinsoniens n’avaient pas systématiquement conscience de présenter une hypersexualité. Ce changement dans le comportement sexuel était généralement minimisé, voire nié, par les patients. Pour trois patients sur sept, la modification de comportement n’était pas vécue comme problématique. Surtout, cette étude a le mérite de souligner les conséquences dévastatrices de ce trouble dans la vie de la conjointe du malade. L’hypersexualité peut en effet engendrer des complications psychiatriques, notamment un état dépressif, des idées suicidaires, un état de stress post-traumatique, dans l’entourage immédiat du malade parkinsonien devenu sexuellement hyperactif.
Malgré le faible effectif de patients évalués dans cette étude, les descriptions de certains cas permettent de cerner les différentes expressions que peut revêtir l’hypersexualité. Attardons-nous sur le cas d’un malade de 53 ans et de sa femme du même âge. L’augmentation de la libido, s’accompagnant d’une modification du comportement sexuel, est apparue rapidement à la mise en route du traitement antiparkinsonien, selon la conjointe.
Elle relatait « une augmentation des envies sexuelles de son époux, se manifestant par des sollicitations permanentes, à des moments inadaptés de la journée. Elle a découvert des films et revues à caractère pornographique au sein de la maison, ce qui n’était pas le cas auparavant. Devant l’absence de réponse systématique aux avances de son mari, elle a expliqué que celui-ci avait développé un sentiment de méfiance à son égard. Son mari était alors persuadé qu’elle le trompait avec un autre homme puisqu’elle refusait souvent ses demandes de relation sexuelle », relatent les auteurs. Ils soulignent que, dans ce couple en perpétuel conflit au sujet de la sexualité, la situation était devenue tellement insupportable pour l’épouse que celle-ci avait menacé son mari de porter plainte pour harcèlement sexuel s’il ne changeait pas de comportement.
Un autre cas clinique, particulièrement douloureux, concerne un malade de 69 ans et sa conjointe de 63 ans avec laquelle il vivait depuis 47 ans. Celle-ci s’est trouvée contrainte d’exercer un chantage au suicide lors des refus de l’acte sexuel. Elle avait été violée à plusieurs reprises par son mari, alors même que ce dernier ne percevait pas les conséquences négatives de la modification de son comportement. « Son mari dormait avec un couteau au milieu du lit et s’en servait comme moyen de pression en menaçant de la tuer puis de se suicider si elle repoussait ses demandes sexuelles », précisent les auteurs. Cette femme était terrorisée lorsqu’elle subissait de force un rapport sexuel par un mari incontrôlable qui la menaçait de mort. Elle était constamment sur ses gardes, présentait des troubles du sommeil, faisait des cauchemars et allait parfois jusqu’à s’enfermer de crainte d’avoir à subir les assauts nocturnes de son mari.
Des intervenants médicaux, pourtant contactés par les conjointes, à plusieurs reprises, « n’avaient pas pris la mesure des modifications de comportements, notamment sexuels, des patients », notent les auteurs. Ils les justifiaient en mettant en avant l’amélioration des symptômes moteurs de la maladie de Parkinson et une diminution d’autres signes imputables à la maladie, comme l’apathie.
Lors des entretiens, les médecins ont eu la surprise d’apprendre que 2 des 7 patients avaient réussi à se faire prescrire, de manière évidemment inappropriée, un médicament destiné à lutter contre les troubles de l’érection (Viagra®) par leur médecin généraliste visiblement peu informé de la possible survenue de troubles du comportement sexuel imputable à un traitement antiparkinsonien.
La fréquence de l’hypersexualité est « probablement sous-estimée », estiment les auteurs, les soignants étant réticents à poser des questions concernant un secteur de la vie intime des patients. Ce trouble du comportement sexuel doit pourtant être repéré « le plus précocement possible afin de proposer une stratégie de soins adaptés », insistent les auteurs. Il importe en effet de modifier le traitement dopaminergique utilisé en cas de survenue de troubles du comportement ayant un impact sur la qualité de vie du patient et de sa conjointe.
Les médecins lillois font remarquer que tous les patients rencontrés dans leur étude étaient des hommes. Ils se demandent si le thème de l’hypersexualité serait moins évoqué lorsque le malade est une femme. Et de conclure : « les conséquences de l’hypersexualité sont-elles [alors] moins problématiques ? Les manifestations de l’hypersexualité sont-elles [dans ce cas] différentes ? ».
L’hypersexualité, un trouble du contrôle des impulsions
Le traitement de la maladie de Parkinson a pour effet secondaire potentiel d’induire des troubles du contrôle des impulsions (TCI). La plupart des cas rapportés (90 %) dans la littérature concernent les agonistes dopaminergiques, médicaments qui stimulent la fabrication de dopamine pour remplacer celle que les neurones détruits par la maladie ne fabriquent plus. Au total, 14% des patients parkinsoniens ont un TCI. On peut observer une addiction aux jeux d’argent (« jeu pathologique ») (5%), une hypersexualité (3,5%), des achats compulsifs (5,7%), une boulimie (4,3%). De fait, 3,9 % des patients présentent plusieurs types de TCI.
Les modifications du comportement sexuel peuvent avoir des conséquences judiciaires pour le patient quand il commet des actes de frotteurisme (propension à toucher la poitrine ou les organes génitaux d’une autre personne de manière à ce que la chose paraisse accidentelle, dans une foule par exemple), d’exhibitionnisme, de zoophilie.
Enfin, dans certains pays, il est déjà arrivé que des patients soient jugés et incarcérés pour des comportements sexuels dangereux. D’où la nécessité pour les médecins de délivrer une information exhaustive sur les risques potentiellement graves liés au traitement, aux patients et à leur entourage, au moment de l’instauration du traitement, mais aussi de rechercher des troubles du contrôle des impulsions lors du suivi des patients traités.
Marc Gozlan, journaliste à Sciences et Avenir le 15 mars 2015
Lu par Renée Dufant
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