Ça bouge dans le monde feutré du médicament
Publié le 07 juillet 2015 à 08:43Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°61
1‑Un blocage des essais cliniques s’amorce en France
Six comités de protection des personnes refusent d’étudier les nouveaux dossiers de tests de médicaments qui leur sont soumis.
Fait sans précédent en France, six comités de protection des personnes (Angers, Nantes, Rennes, Brest, Besançon, Dijon), instances bénévoles indispensables au bon fonctionnement de la recherche sur les médicaments, ont décidé de ne plus accepter de nouveaux dossiers. Pour comprendre ce ras-le-bol, il faut remonter au travail même des CPP. Prenez un expert chercheur ou médecin ; demandez-lui d’analyser le dossier du nouvel essai clinique envisagé par un industriel du médicament, laissez-lui quelques jours pour qu’il en évalue la pertinence scientifique et les éventuelles implications éthiques ; invitez-le à préparer une synthèse du dossier pour la prochaine réunion, mensuelle ou bimensuelle du comité de protection des personnes (CPP) auquel il appartient. Enfin, versez-lui une indemnité … de 67 euros.
A priori, un tel système n’a aucune chance de trouver des volontaires. Et pourtant ce système fonctionne sans heurt ! Chaque année environ 3500 dossiers sont étudiés dans 39 comités de protection des personnes par plusieurs centaines de bénévoles. Ou plus exactement ce système fonctionnait. Jusqu’à ce qu’il y a deux ans, la Direction générale de la Santé (DGS) décide, d’un trait de plume (un arrêt en l’occurrence) de raboter ces 67 euros, en les transformant en salaires soumis à cotisations sociale. Les présidents de CPP, s’exprimant à titre personnel, sont vent debout contre une mesure humiliante. Tous leurs recours, officieux ou juridiques, sont pour l’instant restés vains.
« Ce n’est pas un problème de montant, explique le Pr Philippe Bertrand (Tour), mais cela signifie que les bénévoles vont devenir des salariés ». Un scandale pour le Dr Francis Vasseur (Lille), « je deviendrais employeur des membres du CPP et je devrais verser des indemnités différentes aux rapporteurs en fonction de leur statut même s’ils font le même travail ! » Pour le Pr Bertrand, « le pire n’est pas là, il est dans le blocage de nos budgets. Notre CPP ne fait pas grève pour l’instant mais s’arrêtera de rendre des avis quand il n’aura plus d’argent ». Car certaines agences régionales de santé (ARS) pénalisent, en bloquant leurs budgets, les CPP récalcitrants. Le Dr Jean Louis Durand (Ile-de-France) craint à terme « la suspension complète de l’activité de son CPP par démotivation de ses membres ».
La position du Dr Elisabeth Frija-Orvoën, présidente de la Conférence nationale des CPP, est claire : « Nous refusons le principe d’un salaire, d’une rémunération ». Retour donc à une indemnité ? « Franchement, même si c’est moins que 67 euros, on s’en fiche, glisse le Dr Vasseur. C’est l’indépendance et la reconnaissance de notre engagement qui comptent ».
Et la reconnaissance d’un système efficace. « Les CPP font avancer la recherche clinique en France, dans le respect du rapport bénéfice/risque pour le patient », souligne le Dr David Pérol (Lyon). « Il faut protéger ce système qui marche dans une société où le souci du bien commun disparaît », plaide le Pr François Chapuis (Lyon). Pour l’instant, les CPP n’ont eu qu’une réponse des autorités de santé : le mépris.
Article de Damien Mascret relevé dans le Figaro Santé du 12/02/15
Par Françoise Vignon
2 — Mises en cause pour leurs liens avec des labos, L’ANSM et la HAS ouvrent des enquêtes internes (27.03.2015
L’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) et la Haute Autorité de Santé (HAS) ont décidé de transmettre au Procureur de la République « les faits dénoncés » par Médiapart dans l’article « les gendarmes du médicament faisaient affaire avec labos ».
L’ANSM et la HAS, dont les commissions d’experts interviennent dans les décisions de mise sur le marché (ANSM) et le remboursement, ou non, des médicaments (HAS), ont en outre annoncé jeudi le lancement d’enquêtes internes ou « audit ».
« La mise sur le marché de médicaments et leur remboursement sont soumis à des commissions supposées indépendantes », écrivait Médiapart dans un article publié le 24 mars sur son site, en référence aux commissions de ces deux agences sanitaires.
Or « pendant des années, des membres éminents de ces commissions (dont un président) ont conseillé secrètement les laboratoires pharmaceutiques », ajoutait le site en ligne citant les personnes en cause, dont « plusieurs (…) reconnaissent les faits rapportés par de nombreux responsables ou anciens dirigeants de laboratoires ». « D’autres préfèrent minimiser les faits ou parlent d’erreurs dans les dates », relevait encore Médiapart qui évoquait des activités de conseils grassement rémunérées.
Certains faits antérieurs à la création de la HAS

Crédits photo : TOUBON-PHANIE Zoom
Dans un communiqué, la HAS précise qu’elle porte ces « allégations graves concernant l’évaluation des médicaments » à la connaissance du Procureur de la République « pour mener les investigations nécessaires à l’établissement de la vérité », notant que certains des faits relatés « sont antérieurs à la création de la HAS en 2005 ».
« S’ils étaient avérés, ces faits iraient à l’encontre des obligations réglementaires en vigueur incombant aux experts et membres des commissions en matière de gestion de liens d’intérêts », ajoute-t-elle. Un « audit interne » a également été déclenché par la HAS.
Touraine demande des comptes aux agences :
L’ANSM, qui a également transmis au Procureur de la République les faits dénoncés par Médiapart, a aussi engagé une enquête administrative interne « afin de dresser un état des lieux sur le rôle des personnes visées dans l’article au sein des instances consultatives de l’Agence jusqu’en 2011 ».
Elle rappelle qu’elle « a renforcé la transparence de ses travaux d’expertise comme le prévoit la loi du 29 décembre 2011 » et notamment que « les industriels du secteur des produits de santé ne participent plus » à ses instances.
Dans un nouvel article mis en ligne jeudi par Médiapart, la ministre de la Santé Marisol Touraine estime que « si les faits rapportés sont exacts, ils sont inacceptables et d’une extrême gravité ». « La transparence est une condition essentielle de la confiance dans notre système de santé », poursuit-elle.
La ministre indique aussi qu’elle fera prochainement le point avec les deux agences auxquelles elle demande de faire « tout ce qui est en leur pouvoir pour faire la lumière sur ces affirmations ».
(Avec AFP)
Lu par Renée Duffant
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