Ne pas être qu'un "patient" ...

La parole du malade, un outil diagnostic parfois négligé !

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°67

Deux méde­cins plaident pour que l’écoute de ce que le patient a à dire sur ses symp­tômes et sa souf­france rede­vienne un pivot de l’acte médical.

« Si vous écou­tez atten­ti­ve­ment le patient, il vous donnera le diag­nos­tic », suggé­rait Sir William Osler, méde­cin cana­dien de la fin du XIXe siècle. « Rien ne remplace l’écoute atten­tive, et le méde­cin doit entendre tout ce que le patient a à dire », opine le Dr Jean-​Marie Faroudja, président de la section éthique et déon­to­lo­gique au Conseil de l’ordre des méde­cins. « Un patient pardon­nera une erreur de diag­nos­tic mais pardon­nera diffi­ci­le­ment au méde­cin de ne pas l’écouter. »

Las, l’écoute est trop souvent « consi­dé­rée comme une demande de confort » regrette Anne Révah-​Lévy, profes­seur de pédo­psy­chia­trie et chef de service à l’hô­pi­tal d’Ar­gen­teuil. Avec Laurence Verneuil, profes­seur de derma­to­lo­gie et chef de service au CHU de Caen, elle signe « Docteur, écou­tez ! » (Albin Michel) Autour de témoi­gnages de patients et soignants, les deux méde­cins plaident pour « ce rouage essen­tiel du soins ».

A l’heure de la démo­cra­tie sani­taire et près de quinze ans après la consé­cra­tion de la déci­sion médi­cale parta­gée par la loi du 4 mars 2002, le temps passé à écou­ter le patient est pour­tant lente­ment grignoté.

Et les études s’empilent qui démontrent que la voix du patient n’est pas assez écou­tée : en 1984, l’ana­lyse de 74 consul­ta­tions de ville montrait que seuls 23% des patients étaient invi­tés à expo­ser la tota­lité de leurs symp­tômes. Ceux-​ci seraient inter­rom­pus par le méde­cin au bout d’une ving­taine de secondes, selon les études. Dans une publi­ca­tion de 2006, sur chaque consul­ta­tion de 20 minutes, les méde­cins esti­maient avoir écouté leurs patients en moyenne 9 minutes ; la réalité était plus proche d’une minute. La parole du méde­cin ne semble pas mieux préser­vée, avec 6,6 inter­rup­tions par heure de travail, entre coups de fil intem­pes­tifs, biper et autres demandes admi­nis­tra­tives urgentes !

Moins d’écoute, plus de médicaments
Et pour­tant, dit Anne Révah-​Levy, « regar­der l’écoute comme l’unité élémen­taire du système vaudrait mieux pour les patients, les méde­cins et les finances de la Sécu­rité Sociale : ceux qui écoutent le moins sont aussi ceux qui pres­crivent le plus de médi­ca­ments, font le plus d’exa­mens complé­men­taires et revoient le plus leurs patients à quatre semaines » La bonne obser­vance du trai­te­ment aussi pâtit d’une mauvaise relation.

« On dit que le méde­cin est un remède en soi, mais comme tout remède il peut y avoir des effets secon­daires, note Florian Ferreri, psychiatre à l’hô­pi­tal St-​Antoine (Paris). Un effet iatro­gène (consé­quence néfaste liée à un acte médi­cal, NDLR) est possible lorsque la rela­tion soignant-​soigné est conduite de façon maladroite, notam­ment lorsque l’écoute est absente. »

« Aller trop vite est source d’er­reurs », affirme le Dr Benoît Labenne, géné­ra­liste au Raincy (Seine St-​Denis) qui met un point d’hon­neur à accor­der en moyenne 20 minutes à chacun de ses patients. « Je fais toujours le tour du dossier pour véri­fier que mon patient est à jour dans ses vaccins, ses dépis­tages. Ce n’est pas parce que quel­qu’un vient pour une grippe qu’il n’a que la grippe. Si pour un mal de dos vous pres­cri­vez un anti­dou­leur sans même exami­ner le patient, vous pouvez passer à côté d’un infarc­tus. Parfois, lors de l’exa­men, le patient fond en larmes et vous annonce qu’il divorce ou à des problèmes au boulot. Il peut alors avoir besoin d’une prise en charge psycho­lo­gique, et vous ne l’au­riez pas su si vous aviez fait une ordon­nance stan­dar­di­sée sans l’exa­mi­ner » A ceux qui râlent contre les délais de rendez-​vous d’une dizaine de jours, « j’explique que je préfère les faire attendre que de mal les soigner. Le méde­cin doit savoir dire non. Je ne vais pas bâcler mon travail, me retrou­ver au tribu­nal et me jeter par la fenêtre parce que les ministres de la Santé ont mal géré la pénu­rie de méde­cins ! »

Méde­cins « en grande souffrance »
Du fait de l’ab­sence de valo­ri­sa­tion de l’écoute, les méde­cins aussi peuvent être « en grande souf­france, ajoute Anne Révah-​Lévy. Ce n’est pas un hasard si les plus écou­tants sont aussi plus souvent victimes de Burn-​out. Car leur éthique et leurs valeurs sont disqua­li­fiées. » En cause, le manque de temps et un système hospi­ta­lier qui « englou­tit le méde­cin sous les contraintes », estime Anne Révah-​Lévy. L’écoute explique-​t-​elle, est le moins rentable des actes médi­caux prati­qués à l’hôpital. « Mais les méde­cins doivent se l’im­po­ser et l’im­po­ser à leurs collègues », plaide-​t-​elle même si en ville, « à 23 euros la consul­ta­tion, les méde­cins n’ont parfois pas d’autre solu­tion que de les multi­plier ». Benoît Labenne a pour­tant « réussi à trou­ver un équi­libre finan­cier. Et je prends moi-​même les rendez-​vous, ce qui me permet de régu­ler les urgences et les demandes qui peuvent attendre », explique cet ancien urgen­tiste. « Le temps d’écoute est grignoté par toutes les tech­niques dont on dispose », glisse égale­ment le Pr Feroudja.

« Il y a cette idée qu’a­vec la tech­nique, on peut savoir ce qui se passe dans le corps du patient quasi­ment sans le voir, regrette Anne Révah-​Lévy. Le patient a un savoir sur ce qu’il vit, qui doit servir de base au savoir du méde­cin. La mission du méde­cin est de prendre le patient en charge de manière globale, pas seule­ment pour le soigner mais aussi pour le soula­ger et le conso­ler. Des tech­niques simples permettent d’amé­lio­rer l’écoute, mais leur ensei­gne­ment est très hété­ro­gène : chaque faculté de méde­cine décide de ce qu’elle fait, il n’y a aucune vision trans­ver­sale de cette première étape du soin. »

Quant aux patients, souligne-​t-​elle, « eux aussi doivent reven­di­quer cet espace-​là ». Le Dr Ferreti met en garde contre une « dérive qui consis­te­rait en la rencontre entre un client et un four­nis­seur : le malade a entendu parler d’un trai­te­ment et le méde­cin lui pres­crit ». « La rela­tion confiance se construit à deux, ajoute Stéphane Oustric, méde­cin et profes­seur de méde­cine géné­rale à Toulouse. Le patient ne peut être juste un consom­ma­teur. Il doit, lui aussi, méri­ter la confiance de son méde­cin. »

Article de Soline Roy relevé dans le Figaro
Lu par Fran­çoise Vignon

2 Commentaires Cliquer ici pour laisser un commentaire

  1. je sous­cris 100%

    Commentaire by saint genez isabelle — 11 février 2017 #

  2. Tout est parfait dans ce qui est dit
    Ne reste qu’à mettre en pratique…

    Commentaire by Isabelle Saint Genez — 7 janvier 2017 #

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