Ne pas être qu'un "patient" ...

Maladie de Parkinson, santé buccale et dénutrition

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°58
Par le Pr Isabelle Prêcheur, Pôle odon­to­lo­gie, CHU de Nice

Le trai­te­ment contre la mala­die de Parkin­son entraîne souvent une séche­resse buccale et des caries. De plus, les problèmes neuro­lo­giques et les effets indé­si­rables de certaines classes de médi­ca­ments ne faci­litent pas les soins dentaires. Pour éviter tout risque de dénu­tri­tion, il faut anticiper.

Une santé buccale fragilisée
Les bons gestes de l’hygiène dentaire. Un bros­sage soigneux des dents avec une brosse douce, pour reti­rer les dépôts de plaque dentaire sans abîmer l’émail fragi­lisé par la séche­resse buccale. Il faut aussi utili­ser des denti­frices fluo­rés, qui ont un effet anti-​carie démon­tré. Les prothèses doivent être reti­rées la nuit. Il faut les nettoyer avec du denti­frice et une brosse à dents réser­vée à cet usage, bien les rincer, les garder au sec et les passer sous l’eau avant de les remettre.

Au cours de l’évolution de la mala­die, les problèmes neuro­lo­giques et muscu­laires peuvent provo­quer des diffi­cul­tés à déglu­tir et des morsures invo­lon­taires de la langue, des lèvres et des joues. L’hygiène bucco-​dentaire peut alors deve­nir diffi­cile au quoti­dien et il ne faut pas hési­ter à se faire aider.

La sèche­resse buccale et les caries à progres­sion rapide. La séche­resse buccale est un effet indé­si­rable de plusieurs médi­ca­ments anti­par­kin­so­niens. Elle peut provo­quer une inflam­ma­tion doulou­reuse des muqueuses buccales (candi­dose), des ulcé­ra­tions au coin des lèvres (perlèche), une mauvaise haleine et des diffi­cul­tés pour parler, manger et porter les prothèses dentaires. La sèche­resse buccale sévère provoque des caries à progres­sion rapide, sous les couronnes ou direc­te­ment au collet des dents saines, qui peuvent être diffi­ciles à soigner. Il n’y a pas de trai­te­ment simple pour lutter contre la sèche­resse buccale. Il faut essayer divers petits moyens : garder dans la bouche une gorgée d’eau quelques minutes sans l’avaler, plusieurs fois par jour, ou encore sucer des petits glaçons ou des bonbons à la menthe sans sucre pour stimu­ler la sécré­tion de salive. Il existe aussi de la salive arti­fi­cielle (Arti­sial®…) ou des sprays huileux (Aequa­syal®).

Des soins dentaires adaptés
Il est préfé­rable d’anticiper l’apparition des caries en faisant des visites régu­lières chez le dentiste et en prévoyant des séances de soins courtes dans la mati­née, envi­ron une heure et demi après la prise des médi­ca­ments. Plusieurs données doivent être prises en compte par le chirurgien-dentiste : 

  • les anes­thé­siques locaux sans adré­na­line sont préfé­rables, à cause du trai­te­ment par L‑dopa.
  • pour garder la bouche ouverte, le patient peut mordre un objet en caoutchouc.
  • pour les troubles de la déglu­ti­tion, et l’écoulement de salive qui en résulte, il est possible d’isoler les dents trai­tées avec un mini-​champ opéra­toire (« digue ») et d’utiliser un aspi­ra­teur intra-​buccal puis­sant ; cela proté­gera les voies respiratoires.
  • enfin, les trai­te­ments anti­par­kin­so­niens peuvent provo­quer une hypo­ten­sion ortho­sta­tique ; il ne faut pas trop incli­ner le fauteuil dentaire et remettre lente­ment le patient en posi­tion debout à la fin de la séance.

Les trai­te­ments et les prothèses
Pour stabi­li­ser la mobi­lité des dents qui se déchaussent, la pose de prothèses fixes (couronnes et bridges), s’il reste des racines solides, peut être envi­sa­gée au début de la mala­die. Si les dents sont trop mobiles, il y a des risques d’infection. La pose de prothèses ne doit alors pas être diffé­rée, car l’édentation est une cause de dénu­tri­tion. Les prothèses amovibles en résine ont l’avantage de pouvoir être reti­rées et parfai­te­ment nettoyées après les repas. Mais la séche­resse buccale peut les rendre incon­for­tables. En fonc­tion des éléments anato­miques et médi­caux, mais aussi finan­ciers, le chirurgien-​dentiste pourra propo­ser des prothèses amovibles sur implants, qui sont plus stables. 

Le risque de dénutrition
La perte de poids invo­lon­taire : un signe d’alerte
Au cours de l’évolution de la mala­die, les troubles de la déglu­ti­tion et les morsures invo­lon­taires peuvent gêner l’alimentation. Ajou­tés aux médi­ca­ments et à une mauvaise santé bucco-​dentaire, cela augmente le risque de dénu­tri­tion protéino-​énergétique. L’appétit dimi­nue et le malade perd du poids invo­lon­tai­re­ment. C’est un peu le début d’un cercle vicieux car la fonte des muscles et des défenses immu­ni­taires aggrave la mala­die de Parkin­son ainsi que d’autres patho­lo­gies (infec­tions, ostéo­po­rose, dépres­sion…). Et la qualité de vie comme l’autonomie s’en ressentent.

Comment lutter contre la dénutrition
Il ne faut surtout pas la sous-​estimer et ne pas hési­ter à enri­chir l’alimentation en protéines et en éner­gie avec des œufs, de la crème, du fromage râpé, du lait en poudre ou de la poudre de protéines (Proti­far®…). Il faut aussi faire trois repas par jour et deux colla­tions, dans la mati­née et au goûter. Le suivi par un diété­ti­cien apporte une aide effi­cace. Le méde­cin peut si néces­saire pres­crire des complé­ments nutri­tion­nels enri­chis en protéines et en éner­gie, sous forme de bois­sons ou de crèmes lactées (Forti­mel®, Clinu­tren®, Frésu­bin®…) ou de petites galettes adap­tées aux personnes ayant un mauvais état dentaire et des troubles de la déglu­ti­tion (Proti­bis®).

Il est plus facile de préve­nir la dénu­tri­tion que de trai­ter la dénu­tri­tion une fois instal­lée. Les malades et les familles doivent être vigi­lants sur la néces­sité des soins, d’avoir des prothèses dentaires ainsi que de veiller à l’alimentation dès le début de la maladie. 

Médi­ca­ments anti­par­kin­so­niens et problèmes buccaux
Les médi­ca­ments anti­par­kin­so­niens ont des effets indé­si­rables au niveau buccal, parfois sévères : les trai­te­ments dopa­mi­ner­giques conte­nant de la Lévo­dopa (Carbi­dopa®, Modo­par®, Sine­met®…) peuvent provo­quer des nausées, des vomis­se­ments, des alté­ra­tions du goût ou un bruxisme (contrac­tion des mâchoires, usure des dents et douleurs de l’articulation temporo-mandibulaire).

Les IMAO de type B (sélé­gi­line : Depre­nyl® ; rasa­gi­line : Azilect®) peuvent entraî­ner, plus rare­ment, des ulcé­ra­tions ou des inflam­ma­tions buccales, notam­ment avec les formes Lyoc (qui se dissolvent direc­te­ment dans la bouche). Le prami­pexole (Sifrol®) peut entraî­ner une séche­resse buccale. Les anti­par­kin­so­niens dits «  anti­cho­li­ner­giques  » ou «  atro­pi­niques  » dimi­nuent aussi la sécré­tion de salive : bipé­ri­dène (Akiné­ton®), tropa­té­pine (Lepti­cur®) et trihéxy­phé­ni­dyle (Artane®, Parki­nane®, Trihexy Richard®). 

Proposé par Renée Dufant

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