Maladie de Parkinson, santé buccale et dénutrition
Publié le 09 octobre 2014 à 11:13Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°58
Par le Pr Isabelle Prêcheur, Pôle odontologie, CHU de Nice
Le traitement contre la maladie de Parkinson entraîne souvent une sécheresse buccale et des caries. De plus, les problèmes neurologiques et les effets indésirables de certaines classes de médicaments ne facilitent pas les soins dentaires. Pour éviter tout risque de dénutrition, il faut anticiper.
Une santé buccale fragilisée
Les bons gestes de l’hygiène dentaire. Un brossage soigneux des dents avec une brosse douce, pour retirer les dépôts de plaque dentaire sans abîmer l’émail fragilisé par la sécheresse buccale. Il faut aussi utiliser des dentifrices fluorés, qui ont un effet anti-carie démontré. Les prothèses doivent être retirées la nuit. Il faut les nettoyer avec du dentifrice et une brosse à dents réservée à cet usage, bien les rincer, les garder au sec et les passer sous l’eau avant de les remettre.
Au cours de l’évolution de la maladie, les problèmes neurologiques et musculaires peuvent provoquer des difficultés à déglutir et des morsures involontaires de la langue, des lèvres et des joues. L’hygiène bucco-dentaire peut alors devenir difficile au quotidien et il ne faut pas hésiter à se faire aider.
La sècheresse buccale et les caries à progression rapide. La sécheresse buccale est un effet indésirable de plusieurs médicaments antiparkinsoniens. Elle peut provoquer une inflammation douloureuse des muqueuses buccales (candidose), des ulcérations au coin des lèvres (perlèche), une mauvaise haleine et des difficultés pour parler, manger et porter les prothèses dentaires. La sècheresse buccale sévère provoque des caries à progression rapide, sous les couronnes ou directement au collet des dents saines, qui peuvent être difficiles à soigner. Il n’y a pas de traitement simple pour lutter contre la sècheresse buccale. Il faut essayer divers petits moyens : garder dans la bouche une gorgée d’eau quelques minutes sans l’avaler, plusieurs fois par jour, ou encore sucer des petits glaçons ou des bonbons à la menthe sans sucre pour stimuler la sécrétion de salive. Il existe aussi de la salive artificielle (Artisial®…) ou des sprays huileux (Aequasyal®).
Des soins dentaires adaptés
Il est préférable d’anticiper l’apparition des caries en faisant des visites régulières chez le dentiste et en prévoyant des séances de soins courtes dans la matinée, environ une heure et demi après la prise des médicaments. Plusieurs données doivent être prises en compte par le chirurgien-dentiste :
- les anesthésiques locaux sans adrénaline sont préférables, à cause du traitement par L‑dopa.
- pour garder la bouche ouverte, le patient peut mordre un objet en caoutchouc.
- pour les troubles de la déglutition, et l’écoulement de salive qui en résulte, il est possible d’isoler les dents traitées avec un mini-champ opératoire (« digue ») et d’utiliser un aspirateur intra-buccal puissant ; cela protégera les voies respiratoires.
- enfin, les traitements antiparkinsoniens peuvent provoquer une hypotension orthostatique ; il ne faut pas trop incliner le fauteuil dentaire et remettre lentement le patient en position debout à la fin de la séance.
Les traitements et les prothèses
Pour stabiliser la mobilité des dents qui se déchaussent, la pose de prothèses fixes (couronnes et bridges), s’il reste des racines solides, peut être envisagée au début de la maladie. Si les dents sont trop mobiles, il y a des risques d’infection. La pose de prothèses ne doit alors pas être différée, car l’édentation est une cause de dénutrition. Les prothèses amovibles en résine ont l’avantage de pouvoir être retirées et parfaitement nettoyées après les repas. Mais la sécheresse buccale peut les rendre inconfortables. En fonction des éléments anatomiques et médicaux, mais aussi financiers, le chirurgien-dentiste pourra proposer des prothèses amovibles sur implants, qui sont plus stables.
Le risque de dénutrition
La perte de poids involontaire : un signe d’alerte
Au cours de l’évolution de la maladie, les troubles de la déglutition et les morsures involontaires peuvent gêner l’alimentation. Ajoutés aux médicaments et à une mauvaise santé bucco-dentaire, cela augmente le risque de dénutrition protéino-énergétique. L’appétit diminue et le malade perd du poids involontairement. C’est un peu le début d’un cercle vicieux car la fonte des muscles et des défenses immunitaires aggrave la maladie de Parkinson ainsi que d’autres pathologies (infections, ostéoporose, dépression…). Et la qualité de vie comme l’autonomie s’en ressentent.
Comment lutter contre la dénutrition
Il ne faut surtout pas la sous-estimer et ne pas hésiter à enrichir l’alimentation en protéines et en énergie avec des œufs, de la crème, du fromage râpé, du lait en poudre ou de la poudre de protéines (Protifar®…). Il faut aussi faire trois repas par jour et deux collations, dans la matinée et au goûter. Le suivi par un diététicien apporte une aide efficace. Le médecin peut si nécessaire prescrire des compléments nutritionnels enrichis en protéines et en énergie, sous forme de boissons ou de crèmes lactées (Fortimel®, Clinutren®, Frésubin®…) ou de petites galettes adaptées aux personnes ayant un mauvais état dentaire et des troubles de la déglutition (Protibis®).
Il est plus facile de prévenir la dénutrition que de traiter la dénutrition une fois installée. Les malades et les familles doivent être vigilants sur la nécessité des soins, d’avoir des prothèses dentaires ainsi que de veiller à l’alimentation dès le début de la maladie.
Médicaments antiparkinsoniens et problèmes buccaux
Les médicaments antiparkinsoniens ont des effets indésirables au niveau buccal, parfois sévères : les traitements dopaminergiques contenant de la Lévodopa (Carbidopa®, Modopar®, Sinemet®…) peuvent provoquer des nausées, des vomissements, des altérations du goût ou un bruxisme (contraction des mâchoires, usure des dents et douleurs de l’articulation temporo-mandibulaire).
Les IMAO de type B (sélégiline : Deprenyl® ; rasagiline : Azilect®) peuvent entraîner, plus rarement, des ulcérations ou des inflammations buccales, notamment avec les formes Lyoc (qui se dissolvent directement dans la bouche). Le pramipexole (Sifrol®) peut entraîner une sécheresse buccale. Les antiparkinsoniens dits « anticholinergiques » ou « atropiniques » diminuent aussi la sécrétion de salive : bipéridène (Akinéton®), tropatépine (Lepticur®) et trihéxyphénidyle (Artane®, Parkinane®, Trihexy Richard®).
Proposé par Renée Dufant
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