Le monde des « aidants », réflexions sur les « aidants naturels »
Publié le 11 juillet 2018 à 10:36Article paru dans LE PARKINSONIEN INDÉPENDANT n°73
L’« aidant » est depuis peu juridiquement qualifié. Il est « aidant familial » ou « aidant naturel ». Et la plupart du temps l’aidant est une aidante, ce que d’aucuns trouvent « naturel ».
Michel Billé va plus loin (il est sociologue, président de l’union nationale des instances et offices de retraités et personnes âgées, membre du conseil scientifique des sciences humaines France Alzheimer).
Quel regard porte-t-il sur le monde des aidants ?
Que l’on observe les choses d’un point de vue franco-français, européen et même mondial, la tendance au vieillissement de la population est partout confirmée. On prévoit pour 2025 une population de 12 milliards de « vieux » soit deux fois plus qu’en 2000. Cette réalité démographique nous conduit à reconsidérer notre système de santé, les besoins, les coûts, les performances et les acteurs.
Pourtant, dans la prise en compte du système de santé, l’apport de millions de « soignants » demeure presque toujours ignoré. Ces méconnus du système s’appellent aidants naturels, aidants familiaux, aidants de proximité. Ils prennent soin d’un malade, d’un parent, d’un conjoint, tantôt à leur domicile, tantôt au domicile de la personne aidée.
« Sans doute serait-il plus juste de parler d’aidant « culturel », tant c’est bien un contexte, des modes de vie qui déterminent cette situation. »
Qui sont ces « aidants naturels ? »
Les aidants sont souvent des aidantes. Au fur et à mesure que la population avance en âge et que se transforment les rapports entre générations, la situation des « aidants naturels » retient davantage l’attention, c’est évidemment légitime.
Il faut pourtant s’interroger sur ce que cette situation a de « naturel ».
En effet, les aidants sont des aidantes, chacun le sait, et le recours ici à la « nature » semble remplir une fonction de masque C’est évidemment la culture qui attribue les rôles que nous avons à jouer, désigne les acteurs et, à travers cela, assigne à chacun une place dans le tissu social.
C’est la culture qui attribue aux femmes, épouses, compagnes, filles, belles-filles et petites filles, les fonctions d’éducation des enfants, des soins aux malades, l’aide aux handicapés et maintenant d’aides aux personnes âgées. Ce qui est vrai à domicile l’est aussi en établissement, c’est aussi cette femme qui y assure de manière bénévole la présence familiale, par exemple par sa participation au conseil de vie sociale. C’est un rôle assigné, attribué, qu’elles endossent sans l’avoir choisi, ce qui ne veut pas dire qu’elles le refusent, ni même qu’elles le subissent. Mais est-ce inné de savoir aider ?
Que cache cette fonction de masque ?
Elle construit, sans le dire, une obligation morale adossée à la notion de loyauté familiale. Elle désigne ceux qui sont concernés dans une sorte de périmètre limité, dit de proximité et place hors du champ professionnel, et par conséquent hors des échanges rétribués, l’action des aidants naturels.
On comprend ainsi que la valorisation de l’aide apportée par les proches passe par la reconnaissance de leur engagement, de leur désintéressement et de leur loyauté dans la relation à leurs ascendants. Sans cette reconnaissance, c’est l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes qui se trouve atteinte. Il ne faudrait pas qu’un recours spontané mais abusif à la « nature » leur inflige un surcroît de culpabilité quand, pour quelque raison que ce soit, ils ne peuvent assumer… ce rôle culturellement assigné.
Propos recueilli dans un magazine « pour retraités »
Par Nicole Lecouvey
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