Maladie de Parkinson et souffrance psychologique
Publié le 09 janvier 2009 à 06:43Article paru dans LE PARKINSONIEN INDEPENDANT N°35 – décembre 2008
Samedi 11 février, devant une assemblée d’environ 80 personnes, le Dr Laurence AUTRET, psychiatre, nous a dressé un tableau de la souffrance psychologique dans la Maladie de Parkinson, avec des mots simples, en partant du vécu. Le but de la démarche peut se résumer ainsi : « mieux se connaître, pour mieux agir ».
Après une description des troubles psychiques possibles dans la Maladie de Parkinson, de leur fréquence, le cas de la dépression a été abordé avec ses symptômes et la difficulté du diagnostic chez le malade parkinsonien. S’en est suivi un chapitre sur les conséquences de ces troubles neuropsychiatriques, leurs origines, et la question : « que faire quand la souffrance est là ? ». Le Dr Laurence AUTRET a proposé des conseils au quotidien et abordé les situations de crise.
Dans la symptomatologie psychiatrique de la M.P, on reconnaît, les troubles de l’humeur comme la dépression, les troubles anxieux, les troubles du sommeil, les hallucinations, les états délirants (jalousie, peur du complot…), les troubles de conduite (impulsivité, agressivité, dépendance à la L‑Dopa…), les troubles compulsifs (jeux, hyper sexualité…).
60% des malades parkinsoniens sont confrontés un jour ou l’autre, à une de ces formes.
Dans 25% des cas, on rencontre des troubles cognitifs. Cela peut se traduire par : la perte de la notion d’espace, des troubles de la concentration, de la mémoire, la difficulté à gérer deux choses à la fois, à suivre un raisonnement complexe, une lenteur dans les réactions, une moindre initiative, une hyperémotivité…, mais une grande variabilité selon les moments.
Les troubles dépressifs touchent 40% des parkinsoniens contre 6% à 12% pour l’ensemble de la population. 70% des parkinsoniens contre 30% de la population connaîtront la dépression. Dans certains cas la dépression précède les premiers signes de la maladie.
Quelques questions qui orientent vers la présence d’une dépression :
Pour le malade :
- Vous sentez-vous globalement insatisfait de votre vie ?
- Ressentez-vous un vide à l’intérieur de vous ?
- Diriez-vous que vous êtes plutôt malheureux, plutôt inquiet ?
- Avez-vous laissé de côté des activités ?
- Pleurez-vous pour un rien ?
- Avez-vous tout le temps l’impression que les autres y arrivent mieux ?
Et pour l’entourage :
- Avez-vous l’impression que le malade en demande parfois trop ? De vous mettre en colère ou d’être gêné par le comportement du malade ?
- Avez-vous l’impression de n’avoir plus de temps à vous ? Que vos relations se détériorent ? Que vous perdez la santé ?
- Avez-vous peur de l’avenir ?
- Avez-vous l’impression de ne pas être à la hauteur, qu’il faudrait faire mieux ou plus ?
Dans la dépression, c’est toute la personne qui est atteinte. Cela se traduit par des signes psychiques et physiques, des changements de comportement intenses et durables (douleur morale, hypersensibilité, honte, culpabilité, angoisse, confusion, ralentissement psychophysique, perte de l’appétit, perte du goût des choses, irritabilité, impossibilité à se relaxer…).
Quand on suspecte une dépression, il faut en parler au médecin, mais il y a toujours une grande difficulté pour la personne à reconnaître qu’elle souffre d’une dépression. Il s’agira donc de poser la question indirectement : « Tu n’es plus comme avant », y revenir progressivement et amener la personne à faire une démarche, sans jamais prendre un rendez-vous à sa place, ni la mettre devant le fait accompli.
Les conséquences des troubles neuropsychiatriques :
- altération de la qualité de vie
- altération de la relation à l’autre (vie commune, vie de couple)
- retrait social, isolement
- conséquences morales et judiciaires (jeux, sexualité)
- risque suicidaire dont le diagnostic est difficile car les intentions ne sont pas exprimées. Il n’y a pas de surreprésentation statistique chez les parkinsoniens en général, cependant il est constaté un taux anormalement élevé chez les neurostimulés. Depuis peu, une équipe de chercheurs se penche sur cette problématique.
Le diagnostic de la dépression est rendu plus difficile chez les parkinsoniens car on retrouve des symptômes communs avec la M.P.
A retenir, les troubles psychiques font partie de la M.P., et il faut en parler, ne pas avoir honte, les médecins connaissent les troubles et peuvent les évaluer.
L’origine des troubles neuropsychiatriques :
- origine neurologique : les dysrégulations dopaminergiques et des modifications structurales des noyaux de la base
- origine iatrogène, due aux médicaments qui peuvent entraîner des effets de dépression, des hallucinations
origine dégénérative, due au vieillissement, avec des lésions anatomiques cérébrales. - origine psychique, les difficultés liées au vécu de la maladie et du handicap ont des incidences sur le psychisme et engendre un sentiment de perte : perte de contrôle sur ce qui arrive, incapacité à travailler d’où blessure identitaire, perte de l’estime de soi (« on ne vaut pas grand-chose »), perte de la libido, perte d’autonomie…
Alors que faire ?
- Se soigner, consulter, car on ne peut pas s’en sortir seul quand on est dépressif. Dans un premier temps, soigner la M.P., traiter les symptômes, trouver le meilleur traitement, surveiller les effets secondaires. Puis, traiter la dépression avec des médicaments psychotropes et anxiolytiques. Attention, il n’y a pas d’effet immédiat, il faut surveiller les précautions d’emploi, respecter les prises et les durées et persévérer dans le traitement.
- Chercher un soutien psychologique, dans l’entourage, à travers le réseau de soin (médecin traitant, neurologue, pharmacien, orthophoniste…), les groupes d’entraide (associations)., Mais aussi rencontrer un « psy », interlocuteur neutre et bienveillant qui peut entendre des confidences que l’on ne peut pas toujours faire à l’entourage. Exprimer sa souffrance, c’est s’autoriser à reconnaître ses émotions, à envisager des solutions, à relativiser, à se déculpabiliser. Seulement 5% des personnes acceptent de se faire aider
Conseils au quotidien :
- S’informer sur la maladie, mais pas trop, et ne chercher que ce qui nous intéresse. Connaître donne le sentiment de contrôler. La fiabilité des informations doit être validée par le médecin. Ne pas hésiter à demander des explications simples au neurologue.
- Respecter ses limites et celles de l’autre. La maladie entraîne une perte de l’énergie vitale d’où une moindre disponibilité. Réduire les autres « pertes » d’énergie, chercher activement ce qui nous intéresse. N’entreprendre qu’une chose à la fois. Fractionner les tâches. Faire des pauses souvent. Rechercher, privilégier une ou des activités en dehors de chez soi – l’extérieur est une stimulation – Savoir s’arrêter quand on est fatigué (pas évident !).
- Revoir ses priorités. Où est mon essentiel ? Se « débarrasser » du sens du devoir, d’un système de valeur arbitraire qui repose sur l’image que l’on veut donner. Rechercher la paix avec soi-même.
- Reconnaître sa valeur humaine. Se connaître, être bienveillant avec soi-même. Savoir exploiter ses potentialités différentes. Ne pas se comparer aux autres. Admettre le changement. En parler pour cesser de se dévaloriser. Malade oui, mais adulte responsable.
- Accepter le négatif. Les émotions négatives c’est une plainte intérieure, une souffrance, le signe que quelque chose ne va pas. Dépasser la culpabilité. La vie continue son cours, on n’a pas à être ménagé. Il y aura forcément des moments difficiles. Savoir passer à autre chose. Surtout, ne pas s’isoler.
- Se préserver l’environnement. Faire des aménagements concrets pour se faciliter la vie. La constance des repères procure un sentiment de sécurité. Veiller à la régularité des prises des médicaments surtout des psychotropes.
- Se préserver le temps. Chaque jour, on a 24 h pour « caser » ses besoins. Le temps libre se décide, se planifie. Privilégier les sorties. Rechercher le plaisir dans les activités. Gérer l’emploi du temps, lister les taches fixes (toilette, courses) réviser la fréquence, revoir les « us et coutumes », prévoir des marges. Renoncer n’est pas démissionner, c’est mieux de s’investir dans l’essentiel, laisser le superflu et éviter de se mettre la pression. Rechercher la qualité plus que la quantité.
- Demander de l’aide. C’est une démarche difficile, cela suppose de reconnaître ses faiblesses, c’est prendre le risque du refus de l’autre. Demander de l’aide, n’est pas capituler, mais une démarche active pour durer. Déléguer n’est pas se décharger de ses responsabilités, c’est se décharger du superflu. Redistribuer les rôles, n’est pas perdre de l’importance, c’est renforcer la solidarité. Personne n’ose contester l’omniprésence de l’aidant, mais il faut savoir la remettre en cause ; tous les couples ont besoin de « respirer » l’un sans l’autre. Accepter l’imperfection et toujours chercher des solutions.
- Savoir profiter de la vie. Avoir toujours un projet d’avance, et le désir d’aller de l’avant. Chercher la compagnie des vivants. Trouver des alternatives pour diminuer les frustrations. Les stimulations extérieures sont généralement bénéfiques sur les symptômes de la M.P.
- Enrichir sa vie de couple. Avoir un but commun, le bien-être de chacun, ensemble. Devenir aidant n’a rien de naturel, éviter de n’être que le garde malade, on est avant tout un aimant et un aimé. La dépendance a des aspects multiples, on a besoin l’un de l’autre mais sur des plans différents. Nécessité de se ménager l’un et l’autre. Ne pas tomber dans la surenchère : malaise/culpabilité. Encore une fois, rechercher la qualité et préserver l’atmosphère de la relation. L’ambiance dans laquelle sont faites les choses compte plus que le résultat.
Les situations de crises :
- l’impossible acceptation, la maladie est une injustice,
- le renoncement à une certaine idée de la vie,
- Les problèmes de sommeil mettent le couple à l’épreuve, jours et nuits sont envahis.
- la modification de la libido déstabilise l’intimité du couple
- la peur de perdre l’autre,
- la « surveillance » justifiée par « c’est pour ton bien »,
- les phases OFF, périodes d’aggravation,
- les situations à risque.
Continuer quand même.
Pour chaque chose, chercher une solution, revoir les objectifs, renoncer, trouver une suppléance, changer tout ce qui peut être changé et surtout demander de l’aide.
Conclusion
La Maladie de Parkinson induit des troubles psychiques, et il faut en tenir compte dans la vie quotidienne et pour mieux communiquer. Il n’y a pas de honte, et cela fait partie de la maladie. Il est important d’en parler avec son médecin, avec des personnes de confiance.
Vivre avec la maladie de Parkinson, c’est un défi au quotidien. La personne est « tombée malade », l’entourage est « tombé aidant » et le mot d’ordre c’est le bien-être de chacun ensemble et pour longtemps. Chacun est seul maître à bord de son navire, jusqu’au bout. L’être humain est, avant tout, un être sensible au sentiment de dignité.
Rédigé par Guy SEGUIN
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Au début de la maladie (seulement tremblements d’un membre inférieur, tbles du sommeil et angoisse )est il necessaire de prendre un traitement (L dopa ou autre )sachant que la personne gère assez bien pour le moment .… et sachant que la L dopa a dess effets limités dans le temps ?est il préférable d’attendre ou est ce que le traitement a un effet sur l’evolution de la maladie ?
Merci de bien vouloir m’éclairer.
Aussi ‚que pensez vous du complement alimentaire « Atremorine « ?
Commentaire by Ratiba Guelouet-Bellouti — 31 mars 2017 #
Bonjour, votre article est intéressant , mais vous semblez penser que tous les parkinsoniens vivent en couple.
Je vous cite : (tous les couples ont besoin de « respirer » l’un sans l’autre. Accepter l’imperfection et toujours chercher des solutions.…
Enrichir sa vie de couple. Avoir un but commun, …on est avant tout un aimant et un aimé,…on a besoin l’un de l’autre mais sur des plans différents. Nécessité de se ménager l’un et l’autre.)
Nous ne sommes pas tous en couple. Que dire à ceux qui vivent « célibataire ».
Merci de votre réponse éclairée.
Elizabeth.
Commentaire by Bouvret — 18 août 2016 #
Je voudrais savoir s’il vous plaît si la parkinson et l’origine des troubles psychologie telles que la skisophrenie ou la paranoïa
Commentaire by lilia — 12 août 2015 #