Ne pas être qu'un "patient" ...

Maladie de Parkinson et souffrance psychologique

Article paru dans LE PARKINSONIEN INDEPENDANT N°35 – décembre 2008

Samedi 11 février, devant une assem­blée d’environ 80 personnes, le Dr Laurence AUTRET, psychiatre, nous a dressé un tableau de la souf­france psycho­lo­gique dans la Mala­die de Parkin­son, avec des mots simples, en partant du vécu. Le but de la démarche peut se résu­mer ainsi : « mieux se connaître, pour mieux agir ».

Après une descrip­tion des troubles psychiques possibles dans la Mala­die de Parkin­son, de leur fréquence, le cas de la dépres­sion a été abordé avec ses symp­tômes et la diffi­culté du diag­nos­tic chez le malade parkin­so­nien. S’en est suivi un chapitre sur les consé­quences de ces troubles neuro­psy­chia­triques, leurs origines, et la ques­tion : « que faire quand la souf­france est là ? ». Le Dr Laurence AUTRET a proposé des conseils au quoti­dien et abordé les situa­tions de crise.

Dans la symp­to­ma­to­lo­gie psychia­trique de la M.P, on recon­naît, les troubles de l’humeur comme la dépres­sion, les troubles anxieux, les troubles du sommeil, les hallu­ci­na­tions, les états déli­rants (jalou­sie, peur du complot…), les troubles de conduite (impul­si­vité, agres­si­vité, dépen­dance à la L‑Dopa…), les troubles compul­sifs (jeux, hyper sexualité…).

60% des malades parkin­so­niens sont confron­tés un jour ou l’autre, à une de ces formes.
Dans 25% des cas, on rencontre des troubles cogni­tifs. Cela peut se traduire par : la perte de la notion d’espace, des troubles de la concen­tra­tion, de la mémoire, la diffi­culté à gérer deux choses à la fois, à suivre un raison­ne­ment complexe, une lenteur dans les réac­tions, une moindre initia­tive, une hyper­émo­ti­vité…, mais une grande varia­bi­lité selon les moments.

Les troubles dépres­sifs touchent 40% des parkin­so­niens contre 6% à 12% pour l’ensemble de la popu­la­tion. 70% des parkin­so­niens contre 30% de la popu­la­tion connaî­tront la dépres­sion. Dans certains cas la dépres­sion précède les premiers signes de la maladie.

Quelques ques­tions qui orientent vers la présence d’une dépression :

Pour le malade :

  • Vous sentez-​vous globa­le­ment insa­tis­fait de votre vie ?
  • Ressentez-​vous un vide à l’intérieur de vous ?
  • Diriez-​vous que vous êtes plutôt malheu­reux, plutôt inquiet ?
  • Avez-​vous laissé de côté des activités ? 
  • Pleurez-​vous pour un rien ?
  • Avez-​vous tout le temps l’impression que les autres y arrivent mieux ?

Et pour l’entourage :

  • Avez-​vous l’impression que le malade en demande parfois trop ? De vous mettre en colère ou d’être gêné par le compor­te­ment du malade ?
  • Avez-​vous l’impression de n’avoir plus de temps à vous ? Que vos rela­tions se dété­riorent ? Que vous perdez la santé ?
  • Avez-​vous peur de l’avenir ?
  • Avez-​vous l’impression de ne pas être à la hauteur, qu’il faudrait faire mieux ou plus ?

Dans la dépres­sion, c’est toute la personne qui est atteinte. Cela se traduit par des signes psychiques et physiques, des chan­ge­ments de compor­te­ment intenses et durables (douleur morale, hyper­sen­si­bi­lité, honte, culpa­bi­lité, angoisse, confu­sion, ralen­tis­se­ment psycho­phy­sique, perte de l’appétit, perte du goût des choses, irri­ta­bi­lité, impos­si­bi­lité à se relaxer…).

Quand on suspecte une dépres­sion, il faut en parler au méde­cin, mais il y a toujours une grande diffi­culté pour la personne à recon­naître qu’elle souffre d’une dépres­sion. Il s’agira donc de poser la ques­tion indi­rec­te­ment : « Tu n’es plus comme avant », y reve­nir progres­si­ve­ment et amener la personne à faire une démarche, sans jamais prendre un rendez-​vous à sa place, ni la mettre devant le fait accompli.

Les consé­quences des troubles neuropsychiatriques :

  • alté­ra­tion de la qualité de vie
  • alté­ra­tion de la rela­tion à l’autre (vie commune, vie de couple)
  • retrait social, isolement
  • consé­quences morales et judi­ciaires (jeux, sexualité)
  • risque suici­daire dont le diag­nos­tic est diffi­cile car les inten­tions ne sont pas expri­mées. Il n’y a pas de surre­pré­sen­ta­tion statis­tique chez les parkin­so­niens en géné­ral, cepen­dant il est constaté un taux anor­ma­le­ment élevé chez les neuro­sti­mu­lés. Depuis peu, une équipe de cher­cheurs se penche sur cette problématique.

Le diag­nos­tic de la dépres­sion est rendu plus diffi­cile chez les parkin­so­niens car on retrouve des symp­tômes communs avec la M.P.

A rete­nir, les troubles psychiques font partie de la M.P., et il faut en parler, ne pas avoir honte, les méde­cins connaissent les troubles et peuvent les évaluer.

L’origine des troubles neuropsychiatriques :

  • origine neuro­lo­gique : les dysré­gu­la­tions dopa­mi­ner­giques et des modi­fi­ca­tions struc­tu­rales des noyaux de la base
  • origine iatro­gène, due aux médi­ca­ments qui peuvent entraî­ner des effets de dépres­sion, des hallucinations
    origine dégé­né­ra­tive, due au vieillis­se­ment, avec des lésions anato­miques cérébrales.
  • origine psychique, les diffi­cul­tés liées au vécu de la mala­die et du handi­cap ont des inci­dences sur le psychisme et engendre un senti­ment de perte : perte de contrôle sur ce qui arrive, inca­pa­cité à travailler d’où bles­sure iden­ti­taire, perte de l’estime de soi (« on ne vaut pas grand-​chose »), perte de la libido, perte d’autonomie…

Alors que faire ?

  • Se soigner, consul­ter, car on ne peut pas s’en sortir seul quand on est dépres­sif. Dans un premier temps, soigner la M.P., trai­ter les symp­tômes, trou­ver le meilleur trai­te­ment, surveiller les effets secon­daires. Puis, trai­ter la dépres­sion avec des médi­ca­ments psycho­tropes et anxio­ly­tiques. Atten­tion, il n’y a pas d’effet immé­diat, il faut surveiller les précau­tions d’emploi, respec­ter les prises et les durées et persé­vé­rer dans le traitement.
  • Cher­cher un soutien psycho­lo­gique, dans l’entourage, à travers le réseau de soin (méde­cin trai­tant, neuro­logue, phar­ma­cien, ortho­pho­niste…), les groupes d’entraide (asso­cia­tions)., Mais aussi rencon­trer un « psy », inter­lo­cu­teur neutre et bien­veillant qui peut entendre des confi­dences que l’on ne peut pas toujours faire à l’entourage. Expri­mer sa souf­france, c’est s’autoriser à recon­naître ses émotions, à envi­sa­ger des solu­tions, à rela­ti­vi­ser, à se décul­pa­bi­li­ser. Seule­ment 5% des personnes acceptent de se faire aider

Conseils au quotidien :

  • S’informer sur la mala­die, mais pas trop, et ne cher­cher que ce qui nous inté­resse. Connaître donne le senti­ment de contrô­ler. La fiabi­lité des infor­ma­tions doit être vali­dée par le méde­cin. Ne pas hési­ter à deman­der des expli­ca­tions simples au neurologue.
  • Respec­ter ses limites et celles de l’autre. La mala­die entraîne une perte de l’énergie vitale d’où une moindre dispo­ni­bi­lité. Réduire les autres « pertes » d’énergie, cher­cher acti­ve­ment ce qui nous inté­resse. N’entreprendre qu’une chose à la fois. Frac­tion­ner les tâches. Faire des pauses souvent. Recher­cher, privi­lé­gier une ou des acti­vi­tés en dehors de chez soi – l’extérieur est une stimu­la­tion – Savoir s’arrêter quand on est fati­gué (pas évident !).
  • Revoir ses prio­ri­tés. Où est mon essen­tiel ? Se « débar­ras­ser » du sens du devoir, d’un système de valeur arbi­traire qui repose sur l’image que l’on veut donner. Recher­cher la paix avec soi-même.
  • Recon­naître sa valeur humaine. Se connaître, être bien­veillant avec soi-​même. Savoir exploi­ter ses poten­tia­li­tés diffé­rentes. Ne pas se compa­rer aux autres. Admettre le chan­ge­ment. En parler pour cesser de se déva­lo­ri­ser. Malade oui, mais adulte responsable.
  • Accep­ter le néga­tif. Les émotions néga­tives c’est une plainte inté­rieure, une souf­france, le signe que quelque chose ne va pas. Dépas­ser la culpa­bi­lité. La vie conti­nue son cours, on n’a pas à être ménagé. Il y aura forcé­ment des moments diffi­ciles. Savoir passer à autre chose. Surtout, ne pas s’isoler.
  • Se préser­ver l’environnement. Faire des aména­ge­ments concrets pour se faci­li­ter la vie. La constance des repères procure un senti­ment de sécu­rité. Veiller à la régu­la­rité des prises des médi­ca­ments surtout des psychotropes.
  • Se préser­ver le temps. Chaque jour, on a 24 h pour « caser » ses besoins. Le temps libre se décide, se plani­fie. Privi­lé­gier les sorties. Recher­cher le plai­sir dans les acti­vi­tés. Gérer l’emploi du temps, lister les taches fixes (toilette, courses) révi­ser la fréquence, revoir les « us et coutumes », prévoir des marges. Renon­cer n’est pas démis­sion­ner, c’est mieux de s’investir dans l’essentiel, lais­ser le super­flu et éviter de se mettre la pres­sion. Recher­cher la qualité plus que la quantité.
  • Deman­der de l’aide. C’est une démarche diffi­cile, cela suppose de recon­naître ses faiblesses, c’est prendre le risque du refus de l’autre. Deman­der de l’aide, n’est pas capi­tu­ler, mais une démarche active pour durer. Délé­guer n’est pas se déchar­ger de ses respon­sa­bi­li­tés, c’est se déchar­ger du super­flu. Redis­tri­buer les rôles, n’est pas perdre de l’importance, c’est renfor­cer la soli­da­rité. Personne n’ose contes­ter l’omniprésence de l’aidant, mais il faut savoir la remettre en cause ; tous les couples ont besoin de « respi­rer » l’un sans l’autre. Accep­ter l’imperfection et toujours cher­cher des solutions.
  • Savoir profi­ter de la vie. Avoir toujours un projet d’avance, et le désir d’aller de l’avant. Cher­cher la compa­gnie des vivants. Trou­ver des alter­na­tives pour dimi­nuer les frus­tra­tions. Les stimu­la­tions exté­rieures sont géné­ra­le­ment béné­fiques sur les symp­tômes de la M.P.
  • Enri­chir sa vie de couple. Avoir un but commun, le bien-​être de chacun, ensemble. Deve­nir aidant n’a rien de natu­rel, éviter de n’être que le garde malade, on est avant tout un aimant et un aimé. La dépen­dance a des aspects multiples, on a besoin l’un de l’autre mais sur des plans diffé­rents. Néces­sité de se ména­ger l’un et l’autre. Ne pas tomber dans la suren­chère : malaise/​culpabilité. Encore une fois, recher­cher la qualité et préser­ver l’atmosphère de la rela­tion. L’ambiance dans laquelle sont faites les choses compte plus que le résultat.

Les situa­tions de crises :

  • l’impossible accep­ta­tion, la mala­die est une injustice,
  • le renon­ce­ment à une certaine idée de la vie, 
  • Les problèmes de sommeil mettent le couple à l’épreuve, jours et nuits sont envahis.
  • la modi­fi­ca­tion de la libido désta­bi­lise l’intimité du couple
  • la peur de perdre l’autre,
  • la « surveillance » justi­fiée par « c’est pour ton bien »,
  • les phases OFF, périodes d’aggravation,
  • les situa­tions à risque.


Conti­nuer quand même.

Pour chaque chose, cher­cher une solu­tion, revoir les objec­tifs, renon­cer, trou­ver une suppléance, chan­ger tout ce qui peut être changé et surtout deman­der de l’aide.

Conclu­sion
La Mala­die de Parkin­son induit des troubles psychiques, et il faut en tenir compte dans la vie quoti­dienne et pour mieux commu­ni­quer. Il n’y a pas de honte, et cela fait partie de la mala­die. Il est impor­tant d’en parler avec son méde­cin, avec des personnes de confiance.
Vivre avec la mala­die de Parkin­son, c’est un défi au quoti­dien. La personne est « tombée malade », l’entourage est « tombé aidant » et le mot d’ordre c’est le bien-​être de chacun ensemble et pour long­temps. Chacun est seul maître à bord de son navire, jusqu’au bout. L’être humain est, avant tout, un être sensible au senti­ment de dignité.

Rédigé par Guy SEGUIN

3 Commentaires Cliquer ici pour laisser un commentaire

  1. Au début de la mala­die (seule­ment trem­ble­ments d’un membre infé­rieur, tbles du sommeil et angoisse )est il neces­saire de prendre un trai­te­ment (L dopa ou autre )sachant que la personne gère assez bien pour le moment .… et sachant que la L dopa a dess effets limi­tés dans le temps ?est il préfé­rable d’at­tendre ou est ce que le trai­te­ment a un effet sur l’evo­lu­tion de la maladie ?
    Merci de bien vouloir m’éclairer.
    Aussi ‚que pensez vous du comple­ment alimen­taire « Atremorine « ?

    Commentaire by Ratiba Guelouet-Bellouti — 31 mars 2017 #

  2. Bonjour, votre article est inté­res­sant , mais vous semblez penser que tous les parkin­so­niens vivent en couple.
    Je vous cite : (tous les couples ont besoin de « respi­rer » l’un sans l’autre. Accep­ter l’imperfection et toujours cher­cher des solutions.…
    Enri­chir sa vie de couple. Avoir un but commun, …on est avant tout un aimant et un aimé,…on a besoin l’un de l’autre mais sur des plans diffé­rents. Néces­sité de se ména­ger l’un et l’autre.)
    Nous ne sommes pas tous en couple. Que dire à ceux qui vivent « célibataire ».
    Merci de votre réponse éclairée.
    Elizabeth.

    Commentaire by Bouvret — 18 août 2016 #

  3. Je voudrais savoir s’il vous plaît si la parkin­son et l’ori­gine des troubles psycho­lo­gie telles que la skiso­phre­nie ou la paranoïa

    Commentaire by lilia — 12 août 2015 #

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